Anneaux-disques
Provenances diverses
5000-4500 avant J.-C.
L’ambiguïté et la neutralité formelle du terme “anneau-disque” montrent bien toute la difficulté de caractériser précisément ces objets. Objets de valeur, ils sont largement diffusés (jusqu’à plus de 1000 km de leurs lieux de fabrication) au cours du Néolithique ancien et au début du Néolithique moyen en France. Leur production s’étale sur près de 800 ans, entre 5300 et 4500 av. J.-C.
UNE DIFFUSION LARGE DANS LE TEMPS ET L'ESPACE
Les premiers exemplaires apparaissent avec les débuts de la néolithisation dans le Sud de la France, avant de se diffuser vers le nord. Conçus au départ en calcaire, leurs pendants se retrouvent en schiste dans la culture Blicquy/Villeneuve-Saint-Germain au tournant du Ve millénaire. Au même moment, des exemplaires en roches vertes commencent à être échangés hors des Alpes, massifs dans lesquels on a pu localiser l’origine de leur matière première, principalement de la jadéite ou de la serpentinite, confirmée par des analyses pétrographiques ainsi que par la découverte d’ébauches. Une certaine diversité typologique trahit l’influence de plusieurs groupes culturels : certains présentent en effet une section dite “triangulaire” à bords fins, plus fréquente en Italie du Nord, tandis que d’autres montrent une section “quadrangulaire” aux rebords plus épais, qui sont mieux connus entre la Bretagne et l’Allemagne de l’ouest. Tout cela suggère des centres de production distincts. Pourtant, on ne peut guère discerner de limitations géographiques dans la répartition des différents types d’anneaux, ce qui montre que ces objets étaient partie prenante d’échanges interculturels à longue distance, denses et variés.
DES OBJETS RITUELS ?
Leurs contextes de découvertes présentent quelques traits récurrents : ils sont généralement retrouvés éloignés de tout habitat, souvent isolés ou par paire, en milieu humide ou proche d’un monument funéraire. Le contexte de l’exemplaire de Breuilpont, mis au jour par des ouvriers durant le creusement d’une ballastière, est mal connu. L’anneau de Sublaines, en revanche, a été recueilli vers 1875 dans une zone marécageuse, près de laquelle étaient implantés deux importants tumulus de l’âge du Fer (les “Danges” de Sublaines). Le dépôt rituel d’objets en milieu humide revient fréquemment dans l’approche des sociétés du Néolithique et de l’âge du Bronze. La déposition d’objets en un même lieu constitue en effet, avec la concentration de monuments souvent funéraires et leur réutilisation sur plusieurs millénaires, la manifestation la plus évidente d’une conception construite et ritualisée du paysage sur le long terme.
Les anneaux de Saint-Christophe (Vienne) ont été découverts ensemble, également en milieu marécageux. Ils se démarquent par leur matériau : une roche granitique assez claire, dont l’origine, sinon locale du moins proche (les massif anciens d’Auvergne), peut montrer une volonté de s’affranchir des réseaux d’approvisionnement alpins.
On constate plus rarement des dépôts multiples, comme celui de Saint-Julien près de Quiberon, qui associe quatre anneaux dont un, provenant de la collection de l’archéologue breton Paul Du Chatellier, est présenté ici. Bien qu’il s’agisse d’une découverte ancienne datant de la fin du XIXe siècle, on suspecte qu’ils faisaient à l’origine partie d’un ensemble mobilier comprenant également les deux grandes haches en jadéite découvertes au même endroit.
UNE SYMBOLIQUE COMPLEXE
De multiples hypothèses furent proposées dès le XIXe siècle pour expliquer leur usage, notamment comme “casse-têtes” ou armes, en se fondant sur des exemples ethnographiques. On remarque toutefois très tôt que ces anneaux émettent un son musical lorsqu’ils sont frappés avec une baguette en bois (Saint-Christophe par exemple).
Si la fonction comme parure corporelle est attestée pour les anneaux en schiste du bassin parisien, les archéologues restent prudents pour leurs homologues en roches vertes, qui peuvent avoir acquis, tout comme les haches polies, une valeur symbolique affranchie de tout usage concret. On en connaît des représentations gravées sur les mégalithes de Bretagne, accompagnant toujours une hache et une crosse, comme sur les orthostates du cairn de Mané Groh, ou encore de Mané er Hroëk, dans le Morbihan. C’est d’ailleurs à l’intérieur de ce dernier que fut mis au jour une très longue hache en jadéite dont le talon était engagé dans un anneau en roche verte, ce qui suggère une relation étroite entre les deux objets, au sein d’un système de signes qui semble s’élaborer sur toute la façade Atlantique au cours du Néolithique (Cassen et Pétrequin, 2018). Il s’agit en outre d’une des rares occurrences d’anneau en contexte funéraire confirmé.
OBJETS ASSOCIES
Dépôt de haches polies
BIBLIOGRAPHIE
CASSEN Serge, GRIMAUD Valentin et PETREQUIN Pierre. Objets-signes et signes de l’objet. Iconographie des anneaux et des haches néolithiques dans le nord de la France. Journal of historical philological and cultural studies2, vol. 57, 2018, p. 227‑243.
PETREQUIN Pierre et. al. La production des anneaux-disques alpins pendant les VIe et Ve millénaires av. J.-C. et le Mont Viso. Revue archéologique de l’Est - Suppléments, 41e supplément, décembre 2015, p. 259.