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La Gaule romaine

La conquête de la Gaule chevelue par Jules César au début de la seconde moitié du Ier siècle avant J.-C. est considérée comme le point de départ d’une transformation profonde, politique, économique et sociale : sa romanisation.

Après une longue phase de pacification, la Gaule, intégrée dans l’Empire romain, est organisée principalement par l’empereur Auguste, qui règne de 27 avant J.-C. à 14 après J.-C.

La civilisation matérielle, que le département de la Gaule romaine permet de découvrir, subit des changements graduels, et reflète l’assimilation plus ou moins poussée selon les régions, les milieux sociaux ou les époques, de coutumes, de techniques, de modes de vie et de pensée d’origine romaine ou méditerranéenne. Cet apport, mêlé parfois à l’héritage de l’époque précédente, contribuera à la création d’une civilisation romaine provinciale originale et dynamique, la civilisation gallo-romaine.

Les sept salles qui composent le département gallo-romain évoquent le monde des dieux et des morts, la présence de l’armée romaine en Gaule, les différents types d’artisanat et tous les aspects de la vie quotidienne : alimentation, costume, parure, loisirs, cadre domestique, médecine, transport, écriture...

Les objets

Statuette
Media Name: GR_MAN76551_F_Bouray.jpg
© GPRMN/MAN/Gérard Blot
Divinité de Bouray-sur-Juine

Bouray-sur-Juine (Essonne)
Fin du Ier s. av. J.-C. - début du Ier s. après J.-C. ?

Le panthéon gréco-romain s’impose aux Gaulois après la conquête de leur territoire, entre - 58 et - 52 av. J.-C. Cependant, certaines représentations reprennent des modèles antérieurs, comme c’est le cas de ce dieu assis en tailleur et portant un torque gaulois.

UNE DÉCOUVERTE QUI REMONDE AUX ANNÉES 1845

C’est à l’occasion du curage de la rivière traversant le domaine du château du Mesnil-Voysin (Essonne) qu’est mise au jour cette statue. Bien des années plus tard, Antoine Héron de Villefosse (1845-1919) - éminent membre de la Commission Topographique des Gaules - prend connaissance de cette découverte qu’il rapporte en 1911 à la Société nationale des antiquaires de France. L’archéologue évoque dans sa description de l’objet la couleur jaune du cuivre, ce qui correspond bien à un objet ayant effectué un séjour prolongé dans l’eau. En 1933, les héritiers de la marquise d'Argentré en permettent l'acquisition par le musée des Antiquités nationales.

UN ASSEMBLAGE DE TÔLES DE MÉTAL

La description de l’objet réalisée par Héron de Villefosse fournit de précieuses informations sur l’état de conservation de l’objet au début du XXe siècle. La partie supérieure, correspondant à la tête et au cou, est formée de deux feuilles de métal moulées et donc plus épaisses que les autres parties du corps fabriquées en tôle de bronze martelées. La face arrière est dessoudée. Le torse et les jambes repliées du personnage sont constitués de deux tôles soudées entre elles, la jonction étant dissimulée par des petites baguettes de cuivre. Celles-ci ont été arrachées sur le côté droit et une agrafe de cuivre semble constituer une tentative de réparation. La tête, disproportionnée par rapport au reste du corps, est dotée d'orifices pour les yeux. Celui de gauche conserve un œil en pâte de verre blanche et bleu foncé pour la pupille. Quant aux mains aujourd’hui disparues, il est probable qu’elles reposaient sur les genoux du personnage, si on considère les traces encore bien visibles. L'absence de trace sur le torse suggère que les bras pouvaient être écartés, à l'image de la statuette du Glauberg en Allemagne (Guillaumet 2023).

DES GAULOIS AUX GALLO-ROMAINS, L'AFFIRMATION D'UN MODÈLE

Quand cette statue est publiée pour la première fois, très peu de comparaisons existent et Héron de Villefosse établit d'emblée un parallèle avec le personnage coiffé de bois de cerf figurant sur le chaudron de Gundestrup. Ce bassin en argent représente un homme assis en tailleur et tenant dans ses mains un torque ainsi qu'un serpent. Contrairement à cet exemple et à la majorité des sculptures de ce type en pierre, le dieu de Bouray est représenté nu. Les pectoraux sont soulignés ainsi que les omoplates et le haut des cuisses. Le visage se distingue par la finesse des traits évoquant un jeune homme. La chevelure est traitée sous la forme de mèches en relief. Quant aux jambes, elles sont mal proportionnées et se terminent par des pattes de cervidé. Ces personnages, assis en tailleur, dont les plus anciens exemplaires remontent à l'âge du Fer, possèdent presque toujours un torque autour du cou. Caractéristique du guerrier celte, cette parure devient progressivement un attribut divin. La présence d'une ramure de cerf permet d'interpréter certaines de ces sculptures comme le dieu Cernunnos. À l'époque gallo-romaine, les dieux assis sont présents dans de nombreuses cités et notamment dans le centre de la Gaule. La présence de fruits ou de corbeille sur certaines sculptures incite à les considérer comme des pourvoyeurs de richesses.

Notice rédigée par Thierry Dechezleprêtre

 

BIBLIOGRAPHIE

DEYTS, Simone. Images des dieux de la Gaule. Paris : Errance, 1992, p. 14.

GUILLAUMET, Jean-Paul. Les personnages accroupis : essai de classement. BUCHSENSCHUTZ Olivier ; BULARD Alain ; CHARDENOUX Marie-Bernadette ; GINOUX Nathalie. Décors, images et signes de l’âge du Fer européen. Actes du XXVIe colloque de l’Association française pour l’étude de l’âge du Fer (Paris et Saint-Denis, 9-12 mai 2002), Supplément à la Revue archéologique du Centre de la France (24), FERACF, 2003, p.171-182.

HÉRON DE VILLEFOSSE, Antoine. Le dieu gaulois accroupi de Bouray (Seine-et-Oise). Mémoires de la Société Nationale des Antiquaires de France, Série 8, vol. 2 (1912) p. 244-275.

LANTIER, Raymond. Le dieu celtique de Bouray. Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot, tome 34, fascicule 1-2, 1934. p. 35-58.

LIENS UTILES

https://archives.musee-archeologienationale.fr/index.php/informationobject/browse?topLod=0&sort=relevance&query=Bouray&repos=

 

Sculpture
Media Name: GR_MAN1225_F1_Mercure.jpg
© GPRMN/MAN/Jean Schormans
Pilier aux quatre dieux

Paris, Pont-au-Change
Ier siècle

Ce bloc à quatre faces appartient à un groupe de sculptures bien connu en Gaule romaine : les colonnes soutenant la statue d’un dieu, le plus souvent Jupiter en cavalier terrassant un monstre mi-homme, mi-serpent, l’anguipède.

UNE DÉCOUVERTE DU XVIIe SIÈCLE AU PIED DE LA SAINTE CHAPELLE

Cette sculpture a été découverte à Paris, en 1784, lors de la construction d’un bâtiment situé entre le chevet de la Sainte-Chapelle et le pavillon du Palais de Justice. Grivaud de la Vincelle, le premier archéologue à l’examiner, la rapproche d’emblée au pilier des Nautes, mis au jour en 1711 sous la cathédrale Notre-Dame. D’abord conservé à la Bibliothèque royale, ce dé en calcaire est envoyé en 1862 au musée d’Archéologie nationale tout juste créé.

Quatre dieux sont représentés sur les faces : Mercure, sa compagne - ou parèdre - Rosmerta, Apollon et enfin un génie ailé.

Apollon, fils de Zeus et de Léto, est né à Délos avant de s’installer à Delphes où la Pythie est chargée de rendre ses oracles. Doté de pouvoirs de divination, Apollon est le dieu de la lumière, des arts et aussi de la musique. Pour cette raison, il est représenté traditionnellement avec un instrument de musique, une lyre. À la place du plectre permettant de faire vibrer les cordes, un animal est représenté dans sa main droite, sur sa poitrine. Il pourrait s’agir d’un oiseau ou d’un dauphin, en référence à la mythologie grecque. En effet, le poète Homère évoque au VIIIe siècle avant J.-C., dans son Hymne à Apollon, sa métamorphose en dauphin pour partir à la recherche du lieu qui accueillera son temple, Delphes.

Mercure est représenté ici sous sa forme classique, nu avec un manteau sur l’épaule gauche, des talonnières à ses chaussures et le pétase, un chapeau doté d’ailes à son sommet. Un bouc est couché à ses pieds. De sa main droite, le dieu tient une bourse évoquant sa mission de protection des voyageurs et, de sa main gauche, un bâton autour duquel s’enroulent deux serpents, le caducée. Celui-ci présente la particularité d’être surmonté d’un coq chantant.

La déesse Rosmerta dénote par le soin apporté à son apparence. En effet, elle est vêtue d’une robe longue au fin drapé d’où n’émerge que l’extrémité de ses pieds. Sa chevelure est recouverte d’un voile qui descend jusque dans son dos. Sa tête est coiffée d’un diadème et elle tient dans ses mains un caducée qui permet de l’identifier comme la compagne de Mercure. Cette déesse, dont le nom est connu par des inscriptions, est associée à l’abondance et à la prospérité.

Le dernier personnage, vraisemblablement un jeune homme, a la particularité d’être représenté de trois-quarts, le pied droit reposant sur un bloc dont la forme générale évoque un autel. Il porte une sorte de manteau court – la chlamyde grecque - retenu par une agrafe sur l’épaule droite. Des ailes sont visibles au-dessus de ses épaules et sa chevelure, longue et bouclée, est surmontée elle-même d’ailerons. Reprenant le modèle du génie ailé gréco-romain, ce personnage se distingue par sa pose originale et la présence d’une pomme dans sa main droite.  

Notice rédigée par Thierry Dechezleprêtre

 

BIBLIOGRAPHIE

GRIVAUD DE LA VINCELLE, Recueil de Monumens antiques, la plupart inédits et découverts dans l’ancienne Gaule, tome premier, Paris 1817, II, p. 124-139. Pl. XV.

NERZIC, Chantal. La sculpture gallo-romaine, Paris : Errance, 1989, p. 86.

Lutèce. Paris, de Lutèce à Clovis. Catalogue de l’exposition réalisée par le Musée Carnavalet et le Musée national des thermes et de l'hôtel de Cluny, 3 mai 1984 - printemps 1985. Paris : Société des amis du musée Carnavalet, 1984, p. 308.

LIENS UTILES

https://archeologie.culture.gouv.fr/paris/fr/le-pilier-des-nautes

Statuette
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© GPRMN/MAN/.Jean-Gilles Berizzi
Statuette de Mercure

Lyon (Rhône), dragages de la Saône, à la pointe de l’île Barbe, en amont de Lyon
Ier-IIIe siècle ap. J.-C.

Mercure, l’un des dieux le plus représenté en Gaule, est reconnaissable ici par sa jeunesse et les objets qui lui sont traditionnellement associés : le chapeau à pétase, le caducée et la bourse du voyageur.

UNE DÉCOUVERTE FLUVIALE

Cette statuette fait partie des nombreuses découvertes réalisées à l’occasion des dragages de la Saône, en l’occurrence en amont de Lyon, à la pointe de l’île Barbe. Son excellent état de conservation interroge : s’agit-il d’un objet tombé d’un bateau ou d’une offrande ?

UN MERCURE AUX ALLURES TRÈS CLASSIQUES

Cette sculpture, fabriquée selon la technique de la cire perdue, est en trois parties (personnage, caducée, socle). Mercure, dieu romain assimilé à l’Hermès grec, est représenté ici nu et légèrement déhanché. Il porte sur l’épaule gauche le manteau des voyageurs, la chlamyde. Ce vêtement, en usage chez les Grecs puis chez les Romains, est normalement retenu au cou par une agrafe. La qualité du drapé, en particulier sur la face arrière, démontre la bonne connaissance de l’art gréco-romain que possédait son auteur. Le dieu est coiffé d’un chapeau rond à larges bords pour s’abriter de la pluie et du soleil, le pétase. Celui-ci est doté d’ailes en référence à Hermès, mais l’une d’elles est manquante sur cette statuette. Des ailes sont également présentes sur ses bottes. La bourse, attribut classique du dieu Mercure, est tenue le bras légèrement plié, comme pour mettre en valeur cet objet symbole du commerce et de la prospérité. Le caducée, porté à gauche comme dans la majorité des cas, se distingue par son excellent état de conservation plutôt inhabituel pour une pièce aussi fragile.

LE SUCCÈS DE MERCURE EN GAULE

Le style de cette sculpture est très proche des exemplaires de l’époque tardo-républicaine, période durant laquelle commence à être diffusé le canon artistique romain. Bien que cet exemplaire mesure 15 cm, il appartient vraisemblablement à la production des bronziers des Ier -IIe siècles, dont la taille est souvent inférieure. Il s’agissait donc d’un type d’objet destiné à être placé sur un autel domestique d’une maison - le laraire - où sont honorées les divinités protégeant le foyer. Le dieu Mercure faisait l’objet d’un culte important dès le Ier siècle avant notre ère, comme l’évoque César dans la Guerre des Gaules : « Le dieu qu’ils honorent le plus est Mercure : ses statues sont les plus nombreuses, ils le considèrent comme l’inventeur de tous les arts, il est pour eux le dieu qui indique la route à suivre, qui guide le voyageur, il est celui qui est le plus capable de faire gagner de l’argent et de protéger le commerce1 ».

1 César, Guerre des Gaules, VI, 6, 17 (trad. L.-A.Constans)

Notice rédigée par Thierry Dechezleprêtre  

BIBLIOGRAPHIE

BOUCHER, Stéphanie. Recherches sur les bronzes figurés de Gaule pré-romaine et romaine. BEFAR 228, Rome : École française de Rome, 1976, 398 p.

LANTIER, René. Argenterie et bronzes figurés recueillis dans les dragages de la Saône, Bulletin des musées de France, 1938, n°9, p. 155-157.

 

Stèle
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© GPRMN/MAN/Gérard Blot
Stèle funéraire d'Apinosus Iclius

Entrains (Nièvre)
IIe siècle

Ce monument, particulièrement bien conservé, est caractéristique des monuments funéraires d’artisans ou de commerçants en Gaule romaine aux premiers siècles de notre ère.

UNE DÉCOUVERTE DANS UNE TUILERIE

C'est à l'occasion de travaux dans une tuilerie, en 1860, que cette stèle est dégagée du sol. Son très bon état de conservation démontre qu'elle n'a pas été, comme c'est souvent le cas, retaillée pour être remployée, mais qu'il s'agit de son lieu d'origine. Elle signalait la tombe elle-même qui devait prendre la forme d'une simple fosse dans laquelle étaient placées l'urne cinéraire ainsi que des offrandes. Ces dernières doivent être constituées notamment par des cruches et des jattes découvertes à cette occasion. D’autres stèles ont été mises au jour dans cette nécropole implantée à l’ouest d'Entrain-sur-Nohain (Nièvre) dont le nom antique est Intaranum. Comme c'est souvent le cas, cette nécropole se développe à proximité de voies, en l’occurrence celles qui relient Intaranum à Cenabum - Orléans et Avaricum - Bourges.

UN DÉFUNT DU NOM D'APINOSUS ICLIUS

Ce monument funéraire était planté directement dans la terre, ce qui explique la forme irrégulière de la base du bloc en calcaire. Son décor général évoque très schématiquement une architecture à fronton triangulaire encadré par deux pilastres. Le nom du défunt - APINOSUS ICLIUS - a été gravé sur le fronton entre les initiales D. M. correspondant à l’abréviation de la formule consacrée DIIS MANIBUS « Aux Dieux Mânes », c'est à dire en quelques sortes « aux âmes des ancêtres ». Les lettres se caractérisent par leur irrégularité. Le défunt est représenté dans une niche en cul-de-four, vêtu d'une tunique à manches larges qui retombe au-dessus de ses genoux. Mais l'originalité de son costume réside dans la présence d'une large écharpe dont les extrémités se finissent par des franges. Il est chaussé de bottes. Le personnage tient un marteau à long manche dans la main droite, et un pot ou un gobelet dans la main gauche. À ses pieds, un chien et un oiseau sont figurés dans une attitude très naturelle contrastant avec l’aspect figé de l’homme - ou de l’enfant ? - représenté.

LE PORTRAIT D'UN ARTISAN ?

Implanté au nord de la cité des Éduens, Intaranum est dans l’Antiquité une agglomération secondaire dont la prospérité provient vraisemblablement de sa position de carrefour routier (Devauges 1988). Sa parure urbaine semble avoir été particulièrement importante, si l’on en juge par la taille de son théâtre, la présence de plusieurs temples et les sculptures mises au jour. Parmi celles-ci, figure l’une des plus importantes statues d’Apollon découvertes en Gaule . Si l’on peut supposer l’existence d’artisanats variés, le travail du fer semble avoir été particulièrement développé. Bien que le métier du défunt ne puisse être déduit de la simple présence d’un marteau, cette stèle figure vraisemblablement un artisan ayant les capacités financières de faire réaliser un monument funéraire à son image.

Notice rédigée par Thierry Dechezleprêtre  

BIBLIOGRAPHIE

SARRIAU, Henri. Les inscriptions romaines d’Entrains (Nièvre), Bulletin de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts, t. XVIII, 1896, p. 145-157.

DEVAUGES Jean-Baptiste. Entrains gallo-romain, 1988. Éditions Groupes de Recherches Archéologiques d’Entrains (Nièvre), p. 25-26. CIL, XIII, 2911.

ESPERANDIEU Émile, 1907-1938, III, n°2309, p. 272.

 

 

dépôt
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© GPRMN/MAN/Hervé Lewandowski
Dépôt funéraire d'un d'officier romain

Chassenard (Allier)
Vers 40 ap. J.-C.

Cette riche tombe associe, autour de l’urne contenant les restes du défunt, une partie de l’équipement militaire d’un soldat romain ainsi que des objets hétéroclites.

UNE DÉCOUVERTE FORTUITE DANS UN CHAMP

C’est en labourant son champ que M. Michaud fait, en 1874, une étrange découverte… Le soc de sa charrue ayant heurté un grand vase en terre-cuite, il entreprend d’en explorer l’intérieur. Les os incinérés se trouvent dans une patère - un récipient à manche - avec les objets personnels du défunt, particulièrement nombreux :

Une épée en fer avec un fourreau Un casque Une cotte de mailles Un bassin en tôle de bronze Une pointe de flèche en fer Les éléments d’un ceinturon et notamment une boucle Un torque en bronze Un flacon en bronze Une coupe en bronze Deux strigiles Une boîte en os Un style (?) en bronze Quatre coins monétaires en fer, trois monnaies Des outils en fer et en silex Un coquillage

Par la suite, l’exploration de l’environnement de cette tombe a permis de mettre au jour d’autres objets provenant vraisemblablement d’une nécropole dont l’organisation et la chronologie demeurent cependant inconnues. Acquis par l’entremise de Joseph Déchelette (1862-1914), l’ensemble du mobilier funéraire entre en 1904 dans les collections du musée des Antiquités nationales.

UN RARE TÉMOIN DE L'ÉQUIPEMENT D'UN SOLDAT ROMAIN DE LA PREMIÈRE MOITIÉ DU Ier SIÈCLE

Les découvertes d’équipement militaire romain sont peu fréquentes, celui-ci revenant en principe à l’armée. Le glaive, arme par excellence du légionnaire, n’est que partiellement conservé. Seule la pointe a résisté à la corrosion. L’entrée du fourreau, en bronze, se distingue par son décor végétal qui confirme l’attribution de l’arme au type Mayence. Cette épée courte - 50 à 60 cm de longueur en moyenne - est particulièrement meurtrière dans le combat au corps à corps. Bien que le casque soit partiellement conservé, la visière à visage humain est caractéristique d’un type apparaissant sous le règne de l’empereur Auguste (- 27 av. J.-C. – 14 ap. J.-C.). Peu adapté au combat, il s’agit vraisemblablement d’un casque de parade, comme le démontre la mention d’une couronne de lauriers disparue par la suite. Le visage modelé dans une tôle de bronze est imberbe et les traits très stylisés. Les yeux, la bouche ainsi que les narines sont percés. La cotte de mailles du défunt a été pliée avec soin pour être placée dans le casque : sept épaisseurs ont été observées. L’armure est constituée d’anneaux en fer de 4,5 mm de diamètre. Les deux attaches en forme de lyre permettent de relier entre elles les épaulières qui renforcent le vêtement au niveau des épaules.

Le ceinturon placé dans la tombe est formé d’une boucle à décor animalier et de trois plaques en bronze estampées où figure le buste de Tibère (14-37). L’empereur, dont la tête est ceinte d’un bandeau, est placé sur un globe encadré par deux cornes d’abondance. Le torque à section carrée et en bronze doré possède un diamètre de 17 cm qui permet de supposer qu’il était porté. Si cette parure typiquement gauloise devient au Ier siècle une décoration militaire romaine, elle est sans doute encore portée par les troupes d’auxiliaires gaulois. Enfin, parmi les objets personnels figurent un petit flacon à visage de femme, des coupes en bronze ayant vraisemblablement servi aux libations accompagnant les funérailles.

Une présence insolite dans une tombe : des coins pour la fabrication des monnaies

La frappe des monnaies s’effectue à l’aide de coins sur lesquels étaient gravés l’atelier - ici Lyon - et le profil des empereurs ainsi que leur titulature, en l’occurrence ceux de Tibère. L’état de conservation de ces objets en fer ne permet pas de distinguer entre l’oxydation due à leur séjour prolongé dans la terre et un éventuel martelage. Quoi qu’il en soit, on peut s’interroger sur la présence de ces coins dans une sépulture de soldat. Peut-être un indice de la fonction qu’occupait ce légionnaire ?

Notice rédigée par Thierry Dechezleprêtre

 

BIBLIOGRAPHIE

BERTRAND, Alexandre. Les découvertes romaines et gallo-romaines faites dans le département de l’Allier. Revue Bourbonnaise, 1886, p. 187-195.

CONNY de J.-A. 1873-74 : visite faite aux fouilles faites au sommet du Puy-de-Dôme et dans un champ du domaine Vivant, commune du Chassenard (Allier), le 25 septembre et le 11 octobre 1874. B.S.E.A., 13, 1873-1874, p. 494-498.

CHEW, Hélène. Masque de fer. Un officier romain au temps de Caligula. Catalogue de l’exposition du Musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye (6 novembre 1991 - 4 février 1992). Paris : Réunion des musées nationaux, 1991, 175 p.

LIENS UTILES

https://archives.musee-archeologienationale.fr/index.php/man-91860

https://musee-archeologienationale.fr/collection/objet/joseph-dechelette

Sculpture
Media Name: gr_man72474_tq_bordeaux_pistillus.jpg
© GPRMN/MAN/Franck Raux
Sculpture d'un couple sur un lit

Bordeaux (Gironde)
Fin IIe - début IIIe siècle ap. J.-C.

Autrefois dénommée « Les amants de Bordeaux », cette petite sculpture en terre cuite blanche, d’une très grande finesse, est l’une des rares scènes intimes de l’Antiquité qui nous soient parvenues.

BORDEAUX DANS L'ANTIQUITÉ

Cet objet a été découvert en 1851 dans les fouilles d’une maison de Bordeaux, dénommée dans l’Antiquité Burdigala. Son contexte est inconnu : habitat, tombe, sanctuaire ? Fondée vraisemblablement à l’âge du Fer, Burdigala devient l’un des principaux ports de la façade atlantique et, sous l’empereur Vespasien (69-79), la capitale administrative de la province d’Aquitaine.

LA REPRÉSENTATION D'UNE SCÈNE DE LA VIE QUOTIDIENNE

Le lit de cette petite sculpture de 12 cm de long se caractérise par ses proportions importantes au regard de la taille des personnages. Ses hauts montants, qui sont courbés vers l’extérieur, reposent sur des pieds qui évoquent des modèles en bois tourné connus en Italie romaine. Le côté le plus long du lit est décoré dans sa partie supérieure et sur ses bords de motifs carrés. La nudité du couple est cachée par une couverture dont les plis sont réalisés avec beaucoup de soin et donnent à la scène un aspect très réaliste, presque vivant. Un gros chien est posé sur cette couverture, au pied du couple. Le sculpteur a représenté l’animal roulé en boule et on distingue le détail de son museau ainsi que les plis de son ventre. Les deux personnages de la scène reposent sur un confortable matelas et ont leur tête sur un épais traversin. La femme, identifiable à ses cheveux longs, en partie couvert par un bonnet, entoure le cou de son compagnon de son bras droit, tandis que le bras gauche repose sur son torse. L’homme, à la chevelure bouclée, tient le menton de sa compagne de son bras droit.

UN SCULPEUR CÉLÈBRE DU NOM DE PISTILLUS

Le nom de l’auteur de cette sculpture est mentionné sur le dos du lit, en lettres capitales « PISTILLUS FECIT », c’est-à-dire « Pistillus a fait ». L’officine de Pistillus est l’une des plus importantes de la Gaule romaine, entre le Ier et le IIe siècles. La découverte récente à Autun (Saône-et-Loire) de fours de potier, de moules ainsi que de ratés de cuisson avec cette estampille, permet de confirmer la présence de son atelier dans la capitale des Éduens, Augustodunum. Il s’agit du seul exemplaire conservé d’une œuvre vraisemblablement de série, à l’instar des nombreuses statuettes en terre blanche découvertes dans les habitats, les sanctuaires et les nécropoles. Moins onéreuses que les sculptures en pierre et en bronze, ces terres cuites étaient très prisées en Gaule romaine et faisaient l’objet d’un commerce actif. Des Vénus, des déesses protectrices assises dans un fauteuil en osier, ainsi que des offrants, côtoient des animaux domestiques (coq, poules, chevaux), mais aussi des animaux sauvages (lion, cerf, etc.).  

Notice rédigée par Thierry Dechezleprêtre  

BIBLIOGRAPHIE

AMTMANN, Théodore. Lit nuptial, terre cuite gallo-romaine, Bordeaux. Société archéologique de Bordeaux, 1892, t. XVII, 2e fascicule.

BLANCHET, Adrien. Mémoire de la Société des Antiquaires de France, 1891, p. 191. fig. 4.

ROUVIER-JEANLIN, Micheline. Les figurines gallo-romaines en terre-cuite au musée des Antiquités nationales. XXIVe supplément à Gallia, Paris : CNRS, 1972, p. 235-236.  

LIENS UTILES

https://www.inrap.fr/pistillus-celebre-potier-antique-retrouve-autun-5028

http://www.getty.edu/art/collection/objects/7021/unknown-maker-kline-monument-with-a-reclining-girl-roman-ad-120-140/

 

Mosaïque
Mosaïque de Saint-Romain-en-Gal © MAN/Valorie Gô
La mosaïque des saisons

Saint-Romain-en-Gal (Rhône)
Début du IIe siècle - Début du IIIe siècle.

La mosaïque de Saint-Romain-en-Gal est un témoignage unique des pratiques agricoles de la Gaule romaine, de l’outillage, mais aussi de la manière dont les saisons étaient vécues au quotidien.

LA DÉCOUVERTE : DES RIVES DE SAINT-ROMAIN-EN-GAL AU MUSÉE DU LOUVRE

Vienna, capitale de la cité des Allobroges, est une vaste agglomération se développant sur les hauteurs qui dominent la vallée du Rhône et la plaine alluviale du fleuve. C’est sur la rive gauche que la mosaïque des saisons est mise au jour, entre 1880 et 1881, par le jardinier François Barou, à 80 cm de profondeur. Devant l’intérêt de la découverte, Antoine Héron de Villefosse (1845-1919) en négocie l’achat, et le précieux pavement est transporté au musée du Louvre en 1892. Exposée dans le vestibule dit « des Prisonniers barbares », elle sert de décor en 1927 au film muet Belphégor d’Henri Desfontaine (1876-1931). En 1935, la mosaïque est transférée par l’entreprise Émile Gaudin au musée des Antiquités nationales où elle rejoint celles de la villa d’Ancy (Aisne).

LA MISE EN SCÈNE DES SAISONS, DES TRAVAUX AGRICOLES ET DES FÊTES RELIGIEUSES QUI LES ACCOMPAGNENT

Les vingt-sept tableaux conservés s’intégraient dans un pavement qui en comptait à l’origine quarante. Chaque panneau de cinquante-neuf centimètres de côté est bordé par une tresse constituée de tesselles polychromes. La bordure extérieure se compose principalement d’un rinceau végétal de feuilles d’acanthe. Les quatre tableaux centraux illustrent les saisons. Le printemps est figuré par un enfant nu - un Amour dans l’iconographie antique - chevauchant un taureau. La même scène est reproduite avec un lion pour l’été et un tigre pour l’automne. En revanche, l’hiver prend la forme d’une femme emmitouflée dans une couverture bleue assise en amazone sur un sanglier. Elle tient dans ses mains un long roseau qui symbolise la saison.

La présence de ces personnifications des saisons est à l’origine, en 1892, de la dénomination « calendrier rustique » par le latiniste Georges Lafaye (1854-1927). À cette interprétation est aujourd’hui préférée celle d’une évocation du cycle du temps et des activités qui lui sont liées. Les tableaux présents autour des quatre saisons sont majoritairement des scènes de la vie agricole : labour et semailles, cueillette, mouture, greffe des arbres, collecte des boutures, ramassage des fruits… La viticulture, particulièrement importante dans la vallée du Rhône, est représentée par des scènes de travail dans les vignes, de foulage et de pressurage du raisin, mais aussi de poissage des jarres. En effet, les jarres destinées à stocker le vin étaient enduites de poix pour les imperméabiliser.

Quatre panneaux illustrent certaines des fêtes religieuses qui structurent la société romaine et rythment les saisons : le sacrifice à Jupiter-Taranis, les semailles rituelles, les offrandes au temple, ainsi que les Parentalia. Ce banquet en l’honneur des défunts de la famille était organisé chaque année au mois de février.

UNE MOSAÏQUE POUR ORNER LA SALLE DE RÉCEPTION D'UNE GRANDE DEMEURE ?

Encore aujourd’hui, le contexte archéologique de la mosaïque aux saisons reste peu connu. Le latiniste George Lafaye, présent lors de la découverte, a relaté la découverte d’un seuil au nord ainsi qu’une autre salle à l’ouest. Du marbre, des fragments de chapiteaux, de colonnes et de conduites d’air chaud (tubuli) témoignent du luxe de l’édifice qui abritait cette mosaïque. Toutefois, l’hypothèse d’un bâtiment public est aujourd’hui abandonnée au profit de la salle de réception d’une grande demeure privée à proximité du site du Palais du miroir, un probable complexe thermali.

 

Notice rédigée par Thierry Dechezleprêtre

 

La mosaïque des Saisons, qui a fait l’objet d’une importante restauration entre 2022 et 2023, est actuellement présentée au musée de Saint-Romain-en-Gal (Rhône).

Venez y découvrir jusqu’en 2027 l’exposition organisée en partenariat avec le musée d’Archéologie nationale.  

BIBLIOGRAPHIE

LAFAYE, Georges. Mosaïque de Saint-Romain-en-Gal (Rhône) », Revue archéologique, troisième série, n° 19, 1892, p. 322-347.

LANCHA, Janine. Recueil général des mosaïques de la Gaule, III. Province de Narbonnaise, 2. Vienne, Éditions du CNRS, 1981, p. 208-225.

Saisons romaines. Relief, numéro hors-série, 2024, 184 p.

LIENS UTILES

i https://journals.openedition.org/adlfi/141040

Bijoux
Media Name: o_bague_Nizy_le_comte_gaule_romaine.jpg
© MAN/Loïc Hamon
Bagues d’un trésor du IIIe siècle

Nizy-le-Comte (Aisne)

Vers 211-212

Parmi les trésors enfouis durant l’Antiquité, celui de Nizy-le-Comte dénote par sa composition associant quatre vases en bronze, plus de 700 monnaies en argent et deux bagues d’une très grande qualité de réalisation.

DEUX BAGUES PRÉCIEUSES AU SEIN D'UN ENSEMBLE D'OBJETS HÉTÉROCLITES

Mis au jour vers 1975, ces objets proviennent d’une petite agglomération de la cité des Rèmes, sur la voie qui menait de Reims (Marne) à Bavay (Nord). Les deniers et antoniniens, datés entre les règnes de Trajan (98-117) et celui de Gallien (253-268), fournissent de précieux repères chronologiques pour l’enfouissement de ce trésor.

UNE CRÉATION ROMAINE : LA TECHNIQUE DE L'OPUS INTERRASILE

En argent, ces deux bagues se distinguent par une monture massive qui a été finement ajourée par percement du métal, d’où le terme d’interrasile (en latin : ouvert, d’après une expression due à Pline l’Ancien dans son Histoire Naturelle, XII, 94). Un fin burin a été utilisé pour ce décor très complexe de peltes (bouclier) et de motifs d’inspiration végétale (rinceaux et branches).

UNE PIERRE EN CORNALINE SUR LAQUELLE EST GRAVÉ LE DIEU JUPITER

Le chaton de l’une des bagues est une intaille ovale à surface plane, taillée dans la cornaline, l’une des pierres les plus souvent utilisées à l’époque romaine. Le dieu Jupiter trônant, accompagné à droite de son aigle, y est gravé. Il tient un sceptre et une patère (vase à libation). Si les dieux gréco-romains figurent parmi les principaux sujets représentés sur les intailles d’époque romaine, Jupiter n’est pas le motif le plus courant, en dépit de son statut de maître des dieux.

UNE MONNAIE EN OR À L'EFFIGIE DES PRINCES CARACALLA ET DE GÉTA

La seconde bague, plus massive, est d’un type beaucoup plus rare, car elle est ornée d’une monnaie en argent frappée à Rome en 201, recouverte d’une feuille d’or destinée à donner à ce denier l’apparence d’un aureus, une monnaie en or. De façon exceptionnelle pour ce type de bijou, dit monétaire, ce n’est pas la face montrant le portrait de l’empereur Septime Sévère (193-211) qui a été choisie par l’orfèvre, mais le revers de la monnaie. Il montre les bustes affrontés de ses fils, les princes Caracalla (211-217), cuirassé et lauré à gauche, et de Géta (211), tête nue à droite. Le chaton hexagonal a cependant été évidé à l’arrière, afin de laisser voir l’effigie de l’empereur.

UN TRAVAIL D'ORFÈVRE CARACTÉRISTIQUE DU IIIe SIÈCLE

Les bijoux ornés de monnaies, très à la mode à partir de la fin du IIe siècle, ainsi qu’aux époques suivantes, sont presque toujours en or. Des monnaies en or (aurei, solidi), sont alors retirées de la circulation monétaire pour être montées en pendentifs et, plus rarement, sur des bagues, des bracelets, des fibules, des diadèmes ou des pièces de vaisselle. La plupart des bagues connues ont une monture en or, mais il existe plusieurs exemplaires en argent comme celle-ci. Malgré leur aspect massif et un diamètre intérieur assez important, il est impossible de savoir si ces bagues étaient portées par un homme ou une femme, car les textes latins décrivent des façons de porter ces bijoux différentes des nôtres : sur tous les doigts, sauf l’index, y compris le pouce, et sur toutes les parties du doigt.

Notice rédigée par Thierry Dechezleprêtre, d'après Hélène Chew (2015)

 

BIBLIGORAPHIE

CHEW, Hélène et DROST, Vincent. Bagues romaines d'un trésor du IIIe siècle de Nizy-le-Comte (Aisne) au musée d'Archéologie nationale. Antiquités nationales, 2015, p. 65-102.

CHEW, Hélène. Les bagues de Nizy-le-Comte (Aisne). Archéologia, n°540, février 2013, p. 22-23.

YEROULANOU, Aimilia. Diatrita. Gold pierced-work jewellery from the 3rd to the 7th century. Athènes: Benaki museum, 1999.  

LIENS UTILES

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Sculpture
Media Name: Sculpture anthropomorphe en métal battu
© MAN - Loïc Hamon
Fragment d'une tête

Reims (Marne) (?)
IIe - IIIe siècle (?)

Ce visage en tôle de bronze constitue le seul vestige conservé d’une sculpture plus importante aujourd’hui disparue.

L’ENQUÊTE ARCHÉOLOGIQUE

C’est grâce au prêt de cet objet à l’Exposition universelle de 1889 par son propriétaire d’alors Henry de Lestrange (1853-1926) qu’il a été possible de retracer une partie de son histoire (Anonyme, 1889, p. 155). Restée dans cette famille jusqu’en 1974, la sculpture a été par la suite mise en vente publique à Paris. Elle pourrait provenir du chef-lieu de la cité des Rèmes, Durocortorum - Reims, si l’on en croit la mention sur une étiquette, mais comme souvent au XIXe siècle, les circonstances exactes de sa découverte sont incertaines.

LE SEUL TÉMOIN D'UNE SCULPTURE AUJOURD'HUIE DISPARUE

Ce visage, qui évoque aujourd’hui un masque, appartenait en réalité à une sculpture plus importante. En effet, les traces grises de soudure sur les bords, ainsi que les trous d’assemblage de chaque côté, prouvent qu’une coque se raccordait à la face pour former une sculpture en ronde-bosse. Le traitement du visage se caractérise par des traits très schématiques dénués de toute personnalité, ce qui ne permet pas de déterminer son sexe. Le visage imberbe, au front large et au menton étroit, est très stylisé. Ses yeux, à l’origine peut-être en pâte de verre, constituaient vraisemblablement le seul élément expressif. En Gaule romaine, la technique du martelage est couramment utilisée pour la production d’objets divers : vaisselle, éléments de mobilier, pièces d’équipement militaire, etc. En revanche, son utilisation pour la fabrication d’éléments de statuaire de grande taille est peu fréquente, la fonte étant souvent privilégiée. Il s’agit donc du choix d’un artisan, le martelage assurant l’économie du matériau, la rapidité de mise en forme et facilite aussi l’installation de certains éléments comme les yeux.

UNE SCULPTURE À VOCATION CULTUELLE ?

L’étude des provenances des sculptures de ce type montre une répartition préférentielle au nord de la Loire, et en particulier en Picardie (Genainville, Val-d’Oise ; La Croix-Saint-Ouen, Oise), voire sur la Loire (Notre-Dame-d’Allençon, Maine-et-Loire), en Normandie (Berthouville, Le Vieil-Evreux), avec quelques objets isolés dans le Centre et les Pyrénées. Quelques découvertes ont été également réalisées en Belgique ainsi qu’en Grande-Bretagne.

La plupart des éléments de comparaison proviennent de contextes cultuels et ces sculptures sont interprétées comme une divinité ou comme un fidèle exprimant une dévotion. Plusieurs des têtes de La Croix-Saint-Ouen dotées de petites ailettes peuvent ainsi être identifiées comme des représentations de Rosmerta, compagne du dieu Mercure. Un buste d’homme barbu du sanctuaire des Vaux-de-la-Celle, à Genainville est daté de la seconde moitié du IIe siècle par son contexte archéologique. En conclusion, certaines de ces sculptures, par leur stylisation, peuvent être rapprochées de la statuaire gauloise dont elles prolongent peut-être la tradition.

 

Notice rédigée par Thierry Dechezleprêtre

 

BIBLIOGRAPHIE

Anonyme. Catalogue général officiel. Exposition universelle internationale de 1889 à Paris. Exposition rétrospective du Travaux et des sciences anthropologiques. Section I. Anthropologie - Ethnographie. Paris, 1889, p. 155.

CHEW, Hélène. Redécouverte d’une sculpture gallo-romaine en tôle de bronze battu. La revue des Musées de France, n°4, 2011, p. 26-36.

REINACH, Salomon. L’histoire du travail en Gaule à l’exposition universelle de 1889. Paris 1890, p. 57-58.

LIENS UTILES

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Statuette
Media Name: o_Statuette_Attis_sélection_gauleromaine.jpg
© MAN / Loïc Hamon
La statuette d’Attis

Lieu-dit La Lagaste, commune de Rouffiac-d'Aude (Aude).
IIe siècle

Cette décoration de pied de table est un témoin de l’introduction, dans le sud de la Gaule, d’éléments de meubles en marbre caractéristiques des productions de l’Italie romaine.

UNE DÉCOUVERTE EN GAULE NARBONNAISE

Cette sculpture, découverte à l’occasion d’un labour sur un plateau dominant l’Aude, provient vraisemblablement d’une riche demeure. Si les circonstances de sa découverte en 1920 sont peu connues, elle pourrait provenir de l’une des villas repérées autour de cet important nœud routier de la Narbonnaise reliant Carcassonne aux Pyrénées.

LE DIEU ATTIS, UN JEUNE HOMME MÉLANCOLIQUE

Le jeune homme qui figure sur ce pied de table se distingue par sa pose nonchalante et son expression mélancolique. Il est vêtu à l’oriental d’un pantalon bouffant et d’une tunique à manches longues, recouverte d’un manteau long. Son couvre-chef, le bonnet phrygien, a de longs fanons qui descendent sur les épaules. Ce bonnet se termine par la tête d’un oiseau penché vers l’avant dont il est difficile de dire s’il s’agit d’un rapace ou d’un pigeon colombin. Dans l’imagerie romaine, le costume oriental est porté par des mortels orientaux (barbares et serviteurs) et par des dieux ou héros d’origine orientale. Il s’agit principalement d’Attis, le compagnon de Cybèle, déesse d’Asie Mineure dont le culte est installé très anciennement à Rome.

LE MONOPODIUM, UNE TABLE À UN PIED UNIQUE

Cette sculpture a été conçue pour s’appuyer au pied unique d’une table en pierre, nommée monopodium. Ce type de table en marbre est caractéristique des meubles luxueux gréco-romains. D’abord produits dans la partie orientale du bassin méditerranéen à l’époque hellénistique, ces meubles se diffusent en Italie chez les élites dès le début du IIe siècle avant J.-C., après les conquêtes de Rome en Grèce et en Orient. À partir de la première moitié du Ier siècle avant J.-C., la mode de ce mobilier touche en Italie des catégories sociales moyennes, et suscite une production importante, recourant aux marbres italiens plus souvent qu’aux grecs. Plus de 850 tables en marbre, assez disparates, avec peu de pièces de qualité, ont été recensées en Italie. Ces meubles, formés d’un plateau d’environ un mètre de long, ne sont pas utilisés pour manger, mais pour des usages sacrés et profanes, comme autel, table à offrandes, présentoir de vaisselle, ou encore table de présentation des mets. On les retrouve dans des lieux publics, comme des théâtres ou thermes, et particulièrement dans des maisons aisées ou riches.

SON ADOPTION EN GAULE

C’est à ce jour l’un des rares exemplaires témoignant de l’importation en Gaule de mobilier en marbre. Cependant, un certain nombre de découvertes dans le centre-est et l’est de la Gaule - des tables à un pied en roche locale - prouvent une appropriation originale de la mode du monopodium dans les provinces gauloises.

Notice rédigée par Thierry Dechezleprêtre, d'après Hélène Chew, 2017

 

BIBLIOGRAPHIE

CHEW, Hélène. Un élément de mobilier de luxe en Gaule romaine : le monopodium à Attis en marbre de La Lagaste. La revue des Musées de France, n°4, 2011, p. 26-36. GELIS (de), F. Une statue de Mithra trouvée à Lagaste. Bulletin de la Société Archéologique du Midi de la France, 2e série, n°47, 1926. RANCOULE, Guy. Lagaste, agglomération gauloise du bassin de l’Aude. Atacina, 10, 1980, p. 16, 121-122, pl. VI.

LIENS UTILES

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Accessoires du costume
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© GPRMN/MAN/Jean-Gilles Berizzi
Chaussure de soldat romain

Mayence (Allemagne)
Ier siècle apr. J.-C.

On attribue à l’empereur Caius Iulius Caesar Germanicus, mieux connu sous le nom de Caligula (37-41), la décision d’attribuer à chaque soldat une paire de sandales à lanières, la caliga. Ce soulier vaudra à l’empereur son surnom de caligula, petite sandale.

UN EXCEPTIONNEL DÉPOTOIR D'OBJETS E CUIR

C’est à l’occasion de travaux dans le centre de Mayence (Allemagne), en 1857, qu’est mis au jour un étonnant amas d’objets en cuir parmi lesquels 21 caligae presque complètes, 3 chaussures fermées et plus de 3000 fragments de chutes de cuir de divers éléments. Leur conservation est due à leur enfouissement dans une zone humide, vraisemblablement un ancien marais proche du Rhin.

CE QUE L'ON SAIT DU PROPRIÉAIRE DE LA CHAUSSURE…

Cette sandale a pu être portée par un soldat de l’une des légions créées par Caligula en 39 pour ses opérations militaires en Germanie et stationnées à Mongotiacum, la ville actuelle de Mayence. Il pourrait s’agir de la XXIIe légion Primigenia qui sera transférée temporairement au camp de Xanten ou de la XVe légion Primigenia, anéantie par le soulèvement du peuple batave en 70.

Au fil des siècles, des masses considérables de produits en cuir très diversifiés ont été consommées par ces troupes, sans qu’on sache si ces objets étaient produits sur place ou importés. L’importance militaire durable de Mongotiacum rend plausible l’existence sur place d’ateliers d’artisanat du cuir et peut-être même de préparation des peaux, dans le camp légionnaire ou dans les canabae voisines, les baraques de civils. On pouvait y fabriquer des chaussures, y réparer du matériel en cuir, voire produire des objets manufacturés de différentes natures.

UN OBJET CÉLÈBRE DÈS LE XIXe SIÈCLE

La chaussure, ainsi que des fragments de cuir, de textiles et de mousses, sont offerts en 1863 à Napoléon III par le Römisch-Germanisches Zentral-museum de Mayence. Quelques années après l’ouverture du musée des Antiquités nationales, en 1867, l’empereur demande à Auguste Bartholdi, l’auteur de la Statue de la Liberté, de réaliser le mannequin d’un légionnaire romain. La caliga de Mayence sert de modèle à cette sculpture en plâtre et l’original est présenté dans une vitrine à ses pieds. Emblématique de l’histoire de la conquête romaine, cette sandale sera souvent reproduite, en particulier dans les manuels d’Histoire.  

Notice rédigée par Thierry Dechezleprêtre  

BIBLIOGRAPHIE

CHEW, Hélène. Du nouveau sur la caliga de Mayence. Archéologia n° 574, 2019, p. 20-21.

CHEW, Hélène. Reconstitution de légionnaire romain. D'Alésia à Rome. L'aventure archéologique de Napoléon III (1861-1870). Paris : Réunion des Musées Nationaux, 2020, p. 165.

WITTMAN, Josef. Chronik der niedrigsten Wasserstände des Rheins vom Jahr 70 n. Chr. Bis 1858. Zeitschrift des Vereins zur Erfroschung der rheinischen Geschichte und Alterthümer in Mainz, s. d., n°2, 1859-64, p. 6-141.

LIENS UTILIES

Présentation dans le cadre de l'objet du mois

Instrument de musique
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© MAN/Valorie Gô
Flûte de pan

France (?)
IIe siècle - IIIe sièce après J.-C. (?)

Si l'on se réfère à la mythologie grecque, la flûte de Pan (syrinx en grec, fistula en latin) a été inventée par Pan, le dieu des bergers et des troupeaux.

UN OBJET RARE…

Le musée des Antiquités nationales acquiert cet objet, en 1945, grâce au don de la collection Georges Chenet (1881-1951). Bien que sa provenance exacte ne soit pas connue, cette flûte de Pan pourrait provenir de l’une des fouilles de cet archéologue dans l'est de la France, en particulier dans le massif de l'Argonne (Lavoye, Avocourt, ou encore les Allieux). En effet, le traitement de surface évoque l'engobe des céramiques sigillées de cette région. Les rares découvertes de flûtes de Pan ont été réalisées en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Suisse ainsi qu'en Allemagne. Ce sont toutes des syrinx en bois à l’exception d’un exemplaire en terre cuite conçu et utilisé comme un véritable instrument de musique, ce qui n'est pas le cas ici. Une matrice en terre cuite signée du potier Pottalus destinée à reproduire la forme de la syrinx, a été mise au jour dans des ateliers de production de céramiques de Rheinzabern (Allemagne).

…MAIS FACTICE

Plus petit que les véritables flûtes de Pan (6,6 cm x 7 cm), cet objet ne peut être joué, les tuyaux n'étant forés que sur 2 à 3 millimètres. Sa forme, le trou de suspension et le décor de volutes le rapprochent des exemplaires en bois, mais les neuf cannelures sont un rappel des tuyaux en roseau. Ce type de flûte est aussi celui qui figure sur des terres cuites produites dans le centre de la France. Il s'agit de singes musiciens ou de jeunes garçons représentés en buste et appelés "Risus" depuis le XIXe siècle, parce que l’enfant arbore un sourire.

UN MOTIF DÉCORATIF TRÉS PRISÉ

À l’époque romaine, la fistula est sans doute l’instrument de musique préféré des bergers, mais elle retentit aussi dans les théâtres et elle figure dans l’iconographie du culte de Bacchus ou de Cybèle et Attis. Simple motif décoratif, ou attribut de plusieurs dieux (Pan, Bacchus, Apollon, Attis, etc.), la flûte de Pan orne de nombreuses mosaïques, peintures, sarcophages et sculptures, mais aussi la vaisselle en argent, en céramique ou en verre, et les figurines.

LES MATÉRIAUX DES FLÛTES DE PAN

L’instrument le plus commun est à 7 à 8 tuyaux disposés en « aile d’oiseau » ou en escalier. Le roseau, facile à obtenir et à travailler, peu coûteux, est le matériau le plus habituel de ces flûtes, mais les textes antiques évoquent aussi des instruments en bronze et en ivoire. Des exemplaires en métal, en terre cuite, voire en pierre, en principe fonctionnels, ont également été découverts. Les fistulae en roseau, aux tuyaux assemblés à la cire et reliés avec un lien végétal, très fragiles, ne nous sont pas parvenues. Le second type de flûte de Pan, en bois, est connu grâce à huit exemplaires dans les provinces nord-occidentales de l’empire romain. Ces instruments sont taillés dans une plaquette trapézoïdale en buis et dotés à leur base d’un trou de suspension. Les tuyaux, au nombre de 7 à 8, ont été délicatement forés dans le bois très dur avec une tige en fer cylindrique chauffée. Le décor de la face principale, tournée vers le spectateur, est composé de stries horizontales et de cercles ou de demi-cercles gravés ou imprimés à chaud. L’une de ces flûtes a été trouvée dans le puits d’une maison de l’agglomération antique d’Alise-Sainte-Reine (Côte-d’Or), en 1906, et fait l'objet actuellement d'un nouveau programme de recherche.  

Notice rédigée par Thierry Dechezleprêtre

 

BIBLIOGRAPHIE

CHEW, Hélène. « Une flûte de Pan factice », Archeologia, 577, juin 2019, p. 16-17.

Musiques ! Echos de l'Antiquité. Catalogue de l’exposition du Louvre-Lens, Sous la direction de Sibylle Emerit, Hélène Guichard, Violaine Jeammet et al. Editions Snoeck. 2017, 400 p.

LIENS UTILES

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