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Le premier biface de Boucher de Perthes

Biface Boucher de Perthes
© RMNGP/MAN
Biface Boucher de Perthes - Vue de dos
Vue de dos © MAN
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Jacques Boucher de Perthes, pionnier de la préhistoire, prouve la très grande ancienneté de l’homme. Ses collections, issues de ses travaux dans les carrières de la Somme, entrent au Musée des Antiquités nationales en 1867.

UN PIONNIER PERSÉVÉRANT

Jacques Boucher de Perthes (1788-1868) est considéré comme un des pères de la préhistoire. Directeur des douanes à Abbeville, il devient, en 1830, président de la Société d’émulation de cette même ville. Il s’intéresse aux origines de l’homme, avec un jeune médecin abbevilllois, nouveau sociétaire, Casimir Picard. Le décès prématuré de Picard, en 1841, conduit Boucher de Perthes à poursuivre seul ses travaux dans les carrières de la Somme. Il montre que des outils de silex taillé, surtout des bifaces, associés à des ossements d’espèces animales disparues, se trouvent dans des couches géologiques anciennes, non remaniées. Depuis 1838, Boucher de Perthes présente, en vain, ses conclusions à l’Académie des Sciences à Paris : il se heurte à un refus obstiné, de la part des autorités scientifiques, d’une très haute « antiquité » de l’homme. Le poids du récit biblique de la Création, dans la société française du XIXe siècle, est un obstacle. Son ouvrage monumental, Antiquités celtiques et antédiluviennes, dont les trois volumes paraissent en 1849 (avec la date de 1847), 1857 et 1864, souffre, dans les milieux scientifiques français, d’une absence totale de considération. Ses collections sont refusées par le Musée du Louvre puis par le Musée de Cluny.

UNE RECONNAISSANCE TARDIVE

De l’autre côté de la Manche, les travaux scientifiques de Jacques Boucher de Perthes sont plus rapidement appréciés. La visite à Abbeville, en 1859, des géologues anglais, Hugh Falconer, Joseph Prestwich et John Evans, atteste l’authenticité de ses découvertes et, en conséquence, la validité de ses hypothèses. En 1865, le directeur des musées impériaux, Émilien de Nieuwerkerke, souhaite acquérir les collections Boucher de Perthes pour le musée de Saint-Germain-en-Laye, dont la création a été décidée par Napoléon III en 1862. Il propose également au père de la préhistoire de participer à la commission d’organisation du musée. L’entrée des premières collections préhistoriques, données par Jacques Boucher de Perthes, entraîne même une évolution du projet par rapport à l’intention initiale. Le « Musée Gallo-Romain » devient « Musée des Antiquités nationales » et retrace désormais l’histoire de la Gaule, des origines au début du Moyen Âge. La salle I, dédiée aux époques dites « anté-historiques » et plus précisément à l’âge de la Pierre, présente les vestiges les plus anciens. La première moitié de la salle est consacrée aux dépôts quaternaires : y est principalement exposée la collection Boucher de Perthes, non loin du buste du généreux donateur.

LE PREMIER BIFACE INSCRIT

Ce biface acheuléen, inscrit à l’inventaire depuis 1867 sous le numéro 7 061, n’est pas la plus belle pièce du Paléolithique ancien appartenant aux collections du Musée d’Archéologie nationale. D’une douzaine de centimètres de long, grossièrement taillé dans un silex roux, il est particulièrement érodé et patiné. Mais il s’agit du premier outil préhistorique donné par Jacques Boucher de Perthes, arrivé au musée et enregistré. Il est mentionné dans la marge que cet outil, trouvé à Abbeville, dans la Somme, avant 1840, est montré par le pionnier de l’archéologie préhistorique lui-même aux académiciens, dès cette époque, à Paris. Depuis, des milliers de bifaces sont entrés dans les collections du musée. Ces outils de silex taillé, façonnés à partir d’un bloc de première matière, sont typiques de l’Acheuléen (entre – 600 000 et – 300 000 ans). La culture acheuléenne naît en Afrique, beaucoup plus anciennement (dès – 1,5 millions d’années). Les bifaces acheuléens sont des outils à tout faire (couper, broyer, racler, etc.), que l’on compare souvent à des couteaux suisses. La tracéologie, c’est-à-dire l’étude des traces d’utilisation, permet de savoir que les bifaces servent pour la boucherie, le travail du bois végétal, le nettoyage de la peau animale…

BIBLIOGRAPHIE

BOUCHER DE PERTHES, Jacques. Antiquités celtiques et antédiluviennes : mémoire sur l’industrie primitive et les arts à leur origine. Paris : Treuttel et Wurtz, 1849-1864, 3 vol., 833 p.

CLEYET-MERLE, Jean-Jacques. Boucher de Perthes et le Musée des Antiquités nationales. Antiquités nationales, 18-19, 1986-1987, p. 39-46

COHEN Claudine. HUBLIN Jean-Jacques. Boucher de Perthes. Les origines romantiques de la Préhistoire. Paris : Belin, 1989, Coll. Un savant, une époque, 272 p.

ORLIAC, Rachel. L’invention de la préhistoire par les objets. Les nouvelles de l’archéologie, 129, 2012, p. 13-20.

SCHWAB, Catherine. JOUYS BARBELIN, Corinne. Jacques Boucher de Perthes (1788-1868) et le Musée gallo-romain de Saint-Germain. Antiquités nationales, 50-51, 2021, p. 168-179

LIENS UTILES

Le premier biface de Jacques Boucher de Perthes (objet du mois d’avril 2018) https://musee-archeologienationale.fr/actualite/le-premier-biface-de-bo…