Cet instrument typique de la panoplie d’une partie des chasseurs aborigènes de la péninsule malaise, montre l’ingéniosité des peuples indigènes qui tirent parti des ressources de leur milieu naturel.
LES EXPÉDITIONS DE JACQUES DE MORGAN
Au cours du XIXe siècle se multiplient les voyages d’exploration de savants occidentaux à travers le monde. En 1884, Jacques de Morgan (1857-1924) met ses compétences de géologue au service d’une société d’exploitation minière implantée en Malaisie. Il est l’un des premiers Européens à pénétrer aussi loin dans les montagnes du royaume de Pérak (Malaisie) et établit la première carte topographique de la région. Le jeune explorateur s’intéresse aux populations qu’il rencontre. Tout en collectant des objets de la vie quotidienne, il relève avec précision les costumes, tatouages et parures et observe les modes de chasse et de pêche, la construction des habitations, l’usage des remèdes médicinaux et les fêtes auxquelles il assiste... Il est l’un des premiers à avoir noté certaines différences entre les groupes de population sakaye (aujourd’hui senoi) et semang (aujourd’hui négritos, distincts des autres aborigènes). Négritos (semang) désigne un groupe de population rattaché aux Hoabinhiens (du nom d’un site du nord du Viêt Nam) ayant occupé la péninsule malaise entre le VIIIe et le Ier millénaire avant notre ère. Senoi désigne un groupe composé pour moitié de descendants de Négritos (semang) et pour moitié de populations d’ascendance indochinoise.
CONÇU POUR UNE CHASSE ABONDANTE
Les carquois senoi, dont l’exemplaire du MAN est emblématique, sont aménagés dans un entre-nœud de bambou de gros diamètre (6 à 10 cm) et possèdent un capuchon de vannerie spiralée en rotin, témoignant souvent d’une parfaite maîtrise de l’art de la sparterie. L’intérieur du couvercle comporte souvent un petit cercle de rotin retenant des fragments d’étoupe, parfois utilisés pour augmenter la puissance de tir de la sarbacane. Le décor de ces carquois est assez couvrant et composé de motifs géométriques gravés, parfois opposés les uns aux autres : triangles, lignes festonnées, croisillons… Un os animal, servant de charme magique pour une chasse abondante, est souvent accroché à la courroie de fixation du carquois à la ceinture. La plupart de ces étuis contiennent encore des fléchettes à empennage conique calées par des fragments de feuilles ou dans des compartiments formés de petits tubes de bambou juxtaposés.
DE L'ARC À LA SARBACANE
Les Négritos nomades collectent des produits forestiers et vivent surtout de la chasse et de la pêche. À l’époque du voyage de Morgan, ils utilisaient encore l’arc avec des flèches parfois empoisonnées. Dès cette époque et par la suite, ils ont progressivement abandonné l’arc au profit de la sarbacane dont ils ont appris la fabrication auprès des Senoi, à partir de deux tubes minces en bambou rentrant à force l’un dans l’autre. Le carquois est l’ustensile complémentaire de la sarbacane. Destinés à transporter les fléchettes, ces étuis se répartissent en deux grandes catégories.
BIBLIOGRAPHIE
JAUNAY (A.) (dir.), Exploration dans la presqu’île malaise par Jacques de Morgan (1884), Paris, CNRS, Éditions, 2003.
Christine Lorre, « Chasser dans la forêt tropicale malaise : un carquois de fabrication aborigène », Archéologia, 2021, p. 20 – 21