Media Name: Epée du « chef » de Chaouilley

L'épée du "chef de Chaouilley"

L’épée d’un « chef » mérovingien

Les tombes de Chaouilley

C’est en 1933 que le Musée d’Archéologie nationale acquit une partie du mobilier mérovingien découvert à Chaouilley (Meurthe-et-Moselle) par le docteur Voinot. Il provenait de trois sépultures de femmes et de celle d’un homme inhumé avec un armement abondant (tombe n°20).

 

Epée du « chef » de Chaouilley

 

L’épée d’un « chef » mérovingien :

Ensemble mobilier de la tombe 20 - Chaouilley
Il n’est pas rare de trouver des armes dans les tombes masculines de l’époque. Cette pratique est issue des traditions funéraires germaniques
mais, comme l’armée romaine s’était mise dès le IVe siècle à incorporer un nombre toujours croissant de Barbares – majoritairement des Germains – elle avait été introduite en Gaule dès l’Antiquité tardive.

Très minoritaire jusqu’alors, elle se répand ensuite avec la prise du pouvoir de la dynastie mérovingienne (486-751), franque, qui met à la mode de nouveaux usages venus du monde germanique. La présence de cette épée dans la tombe de son propriétaire ne suffit donc pas à affirmer qu’il était lui-même de souche franque ; pas plus quele reste de son impressionnante panoplie militaire, datée du milieu du VIe siècle : bouclier, hache de lancer (« francisque »), lance et javelot, arc et flèches. Cet armement ne permet pas non plus d’affirmer qu’il s’agissait d’un guerrier, la notion d’armée professionnelle ayant disparu avec l’empire au profit de la conception germanique d’un ost saisonnier où chaque homme libre laïc a sa place.

Longue de 90 cm environ, l’arme est dans la tradition de l’épée longue (spatha) qui équipait d’abord les cavaliers romains, puis toute l’armée après l’abandon du glaive court (gladius) au IVe siècle. Sa lame est damassée : forgée avec des barres de fer doux et carburé martelées ensemble. Cependant, sa garde, sa fusée et son pommeau étaient en matière périssable (bois ?). Rappelons qu’à l’époque mérovingienne, l’épée était devenue une arme coûteuse, dont les lois estiment le prix entre sept et vingt vaches. Or, celle-ci était un modèle haut de gamme puisque le bois du pommeau et de la garde était orné de minces plaques d’argent. On peut en déduire qu’il s’agissait d’un objet de luxe, dont le propriétaire était un personnage de haut rang. Faute de connaître son nom et sa fonction exacte, les archéologues l’ont surnommé le « chef de Chaouilley ».

Des vassaux, des seigneurs et des anneaux

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Cet homme avait une importance locale. Peut-être même était-il le détenteur d’un pouvoir officiel délégué par le roi mérovingien via un rapport d’ordre privé : ce célèbre lien « vassalique » qui fait partie, comme le dépôt d’armes dans les tombes, des legs de la culture germanique antique au Moyen Age. Selon des études menées sur les épées du VIe siècle découvertes dans le monde franc, anglo-saxon et scandinave, les
deux anneaux croisés sur l’un des côtés du pommeau auraient servi à matérialiser ce lien.

De son côté, la croix gravée figurant à l’extrémité du pommeau peut être interprétée comme une affirmation de la foi chrétienne de cet aristocrate ayant vécu une ou deux générations après le baptême de Clovis (508 ?). Cette foi n’est pas incompatible avec les runes – abîmées par une restauration un peu trop drastique au XXe siècle – présentes sur les faces du même pommeau : le christianisme de l’époque s’accommodait d’héritages païens.

Bien que parfaitement fonctionnelle, cette spatha n’était donc pas seulement une arme : elle était aussi l’affirmation d’une croyance religieuse nouvelle mêlée à des réminiscences superstitieuses et la manifestation d’un statut social. De fait, le lien entre port de l’épée et statut nobiliaire allait être théorisé par les penseurs carolingiens (751-987) et se maintenir jusqu’à la Révolution française.

 

 

 

 

 

L’Austrasie mérovingienne

Deux épées du même type ont été découvertes en 2002 à Saint-Dizier (Haute-Marne). Elles se trouvaient également dans les tombes d’aristocrates mérovingiens datées du milieu du VIe siècle. Comme Chaouilley, ce site était alors en Austrasie, la partie du royaume s’étendant de la Champagne à la Hesse (aujourd’hui en Allemagne), soit du nord-est de l’ancienne Gaule devenue mérovingienne aux terres des anciens Francs rhénans.


Le musée d’Archéologie nationale s’associe d’ailleurs actuellement au musée municipal de Saint-Dizier pour y présenter une exposition sur l’Austrasie mérovingienne : "Austrasie, le royaume mérovingien oublié" . Elle sera visible à Saint-Germain-en-Laye au printemps 2017.

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