Le dogū du MAN

La figurine néolithique japonaise du MAN

La période Jōmon

Dénommée d’après un type de décor par impression de cordelette, très répandu dans sa panoplie de vases en terre cuite, la période Jōmon s’étend de 12 000 à 300 avant notre ère environ et comprend six phases successives. À cette époque (équivalant au Néolithique), les chasseurs-cueilleurs de l’archipel se fixent progressivement dans des villages aux maisons semi-enterrées. Ils continuent de vivre en étroite symbiose avec leur environnement associant forêt tempérée (ressources végétales et animales) et milieu maritime (consommation de coquillages marins).

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Le dogū du MAN : un exemple parmi des milliers de figurines énigmatiques

Cet exemplaire représente un buste féminin plutôt trapu, aux épaules brisées, à la tête traitée « en sifflet », la face plate encadrée de légères protubérances (oreilles ?) et marquée d’incisions sommaires pour indiquer les yeux, le nez et la bouche. Au-dessus des seins sont incisés des motifs en forme de croissant. D’autres lignes incisées se recoupent au revers de la pièce ainsi que sur le dessus aplati de la tête.

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Il s’agit d’un don effectué le "20 mars 1931 par le Japonais Nakaya […] qui [est venu] travailler au Musée" et qui l’a prélevé sur le matériel découvert lors des fouilles qu’il a conduites "en 1928, à côté du lycée de Utsunomiya" (département actuel d’Ibaraki).

La provenance est exceptionnellement indiquée en caractères japonais au revers de la pièce, sans doute de la main de l’archéologue. Il l’a accompagnée d’une explication, reportée dans l’inventaire, sur la répartition des objets préhistoriques japonais en trois groupes chronologiquement ordonnés d’après la théorie scandinave des Trois Âges. Nakaya a également indiqué aux conservateurs du MAN que la pièce appartenait à un sous-groupe au type de figurine "réaliste" ; aujourd’hui, sa face plate, le traitement de ses yeux et la sobriété de son ornementation la rapprocheraient des productions du style de Goryogadai, au début du Jōmon moyen (entre 3 500 et 2 500 avant notre ère environ).a_odm_dogu_man_visuel_jomon_multitude.jpg

 

 

À partir de la période d’Edo (1615-1868), la découverte de milliers de ces figurines, entières ou fragmentaires et datées de toutes les phases du Jōmon, a suscité bien des débats. Certaines peuvent avoir servi de supports à la manifestation d’esprits lors de rituels. La majorité d’entre elles, dont beaucoup proviennent de contextes funéraires, semblent avoir été intentionnellement fracturées.

 

 

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Un jeune préhistorien japonais en formation en France

Initié à l’archéologie au sein du Laboratoire d’anthropologie de l’université impériale de Tokyo de 1924 à 1927, Nakaya Jiujirō (1902-1936) se consacre à la préhistoire du nord-est de l’archipel et publie en 1929 un « Précis sur l’âge de la pierre au Japon ». N’occupant pas de position académique officielle, il contribue cependant par ses publications, à définir la Préhistoire de son pays et à la faire connaître à l’étranger, notamment lors de son séjour à Paris entre 1929 et 1932, au cours duquel il suit cours et séminaires. Il est introduit auprès de plusieurs institutions académiques par Serge Elisséeff, Sylvain Lévi, Georges-Henri Rivière et Paul Rivet qui dirige le musée d’Ethnographie du Trocadéro depuis 1928 et l’incite à rencontrer Marcel Mauss.
C’est enfin Marcelin Boule qui l’encourage à suivre l’enseignement de l’abbé Breuil et rencontrer Salomon Reinach, directeur du MAN, à qui il offre la figurine apportée du Japon. Son décès prématuré, quelques années après son retour au Japon, ne permettra pas de développer, malheureusement avant longtemps, les liens scientifiques qu’il avait noués en France.

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Dans l’esprit d’Henri Hubert

Malgré son apparence ingrate, la figurine présente un intérêt certain d’autant qu’elle est plutôt rare dans les collections publiques occidentales. Son contexte de découverte est bien identifié. L’étude de la personnalité qui l’a offerte illustre l’étendue du réseau savant du MAN dans les années 1920. L’intégration de l’objet dans la salle de comparaison prolonge l’intention d’Henri Hubert décédé en 1927, fin connaisseur d’art et d’archéologie extrême-orientaux et créateur du parcours. Cet objet permet d’évoquer la variété des représentations et la place de la figure humaine au sein des sociétés anciennes, en ne se limitant pas aux exemplaires d’Europe et du Proche-Orient, plus familiers du public.

 

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