Vaisselle

Dépôt d'ors de Villeneuve-Saint-Vistre-et-Villevotte

Si les premiers objets en or apparaissent en France dès le 4e millénaire, ils sont rares et se limitent à quelques appliques ou perles. Il faut en effet attendre l’âge du Bronze pour voir émerger en France et en Europe un véritable âge de l’or. Dès le Néolithique, les orpailleurs ont lavé les alluvions des rivières pour recueillir les paillettes et pépites du précieux métal, mais c’est à l’âge du Bronze que les objets en or deviennent abondants et souvent imposants. La plupart proviennent de dépôts considérés comme votifs. C’est le cas de l’ensemble découvert à Villeneuve-Saint-Vistre (Marne) en 1910, au lieu-dit « Champ des Grès ».


UNE ASSOCIATION DE BIJOUX ET DE VAISSELLE

Sous un énorme bloc de 2 m3, ont été mis au jour deux petits gobelets en or, deux bracelets ouverts en forme de rubans, seize fils doubles ainsi que trois bagues, dont une a aujourd’hui disparu. L’ensemble était probablement contenu dans un récipient en céramique, dont on a retrouvé quelques tessons. L’association de bijoux et de vaisselle d’apparat est une combinaison fréquente en Europe, où de nombreux dépôts d’objets métalliques comprennent des récipients comparables aux petites « bouteilles » de Saint-Vistre, comme au Danemark, les gobelets de Kohave ou Vimose Overdrev (National Museet de Copenhague), en Cornouailles celui de Rillaton (British Museum) ou bien en Espagne les bouteilles en or et en argent du trésor de Villena à Alicante (Musée archéologique national de Madrid). Les petits gobelets de Villeneuve-Saint-Vistre se distinguent cependant par leur décor très couvrant, composé de cercles concentriques et de lignes de filet. Ils sont notamment très proches d’un autre exemple français, la coupe de Rongères dans l’Allier, elle-même comparable aux productions nordiques de l’âge du Bronze final comme la tasse de Mjövik en Suède (Historiska Museum de Stockholm).


DES MOTIFS ET DES DÉCORATIONS VARIÉS

Les deux bouteilles de Villeneuve-Saint-Vistre sont de forme, de dimensions et de poids sensiblement identiques. Elles mesurent 12 cm de haut et pèsent chacune 49 g. Elles ont été fabriquées par martelage à partir d’une tôle d’or, et décorées avec les techniques du repoussé et de l’estampage. Les motifs et l’organisation des décors sur la panse sont quasiment identiques mais ils sont situés à des niveaux légèrement différents. On distingue une rangée médiane de larges cercles concentriques bordée de filets et de lignes cordées, encadrée par deux rangées d’ocelles plus petites. Le col d’un des gobelets présente un décor un peu plus complexe : il est orné d’une ligne de grands triangles, emplies de petites bossettes ordonnées sur trois rangées. Ce décor peut être mis en parallèle avec certains motifs du cône d’Avanton (Vienne) (photo page d’accueil), conservé au Musée des Antiquités nationales et attribuable à la fin de l’âge du Bronze moyen et au début du Bronze final (1400-1300 av. J.C.). Il faut noter que le fond de ces bouteilles était décoré de bossettes disposées en rangées autour d’un grand motif de cercles concentriques. De forme ronde, il ne permet pas à celles-ci de tenir debout. Les bouteilles devaient donc être obligatoirement portées et le décor être bien visible lorsque leur propriétaire buvait. Cette pratique renvoie au registre du cérémoniel et probablement à un rite solaire. Les différents motifs décoratifs des récipients en or de l'âge du bronze, notamment les diverses variations de motifs de cercles concentriques, sont interprétés comme des représentations solaires. La décoration des objets sacrés en or ou en bronze puise ainsi dans un répertoire commun dans lequel rien n'est laissé au hasard, et qui est partagé par toute l'Europe de l'âge du bronze.