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Dame à la capuche - Vue du dessus © RMN-GP/MAN/Jean-Gilles Berizzi
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La « Dame de Brassempouy » ou « Dame à la capuche » est une des plus célèbres œuvres d’art paléolithiques. Sans être un portrait fidèle, elle nous donne une image étonnamment moderne et émouvante de la femme préhistorique.

UN ENSEMBLE DE STATUETTES

La « Dame à la capuche » est découverte en 1894 par Édouard Piette et Joseph de Laporterie, avec quatre autres statuettes en ivoire de mammouth, dans la grotte du Pape à Brassempouy (Landes). Au total, dix statuettes et un grand fragment de cette même matière sont mis au jour dans ce gisement entre 1892 et 1897. Dans ses publications, Édouard Piette indique précisément à quelle couche archéologique les statuettes appartiennent. L’on sait aujourd’hui que ce niveau contenait une industrie en silex taillé attribuable au Gravettien, caractérisée notamment par des pointes à dos abattus, nommées « pointes de la Gravette ». Édouard Piette mentionne également à quel endroit de la grotte il découvre les statuettes. La plupart proviennent de l'entrée de la cavité, le fond étant beaucoup trop humide pour permettre la conservation de l’ivoire de mammouth. Le préhistorien décrit même de l’ivoire tellement décomposé qu’il en est liquéfié. C’est d’ailleurs probablement juste après la fouille que la petite tête en ivoire de mammouth se fissure sur toute la longueur de la joue droite. En effet, ce matériau extrêmement fragile et particulièrement sensible aux différences d’humidité, a dû se dessécher trop vite, une fois sorti de la grotte, et se déliter.

UNE PETITE TÊTE FÉMININE

Cette petite tête féminine est façonnée dans de l’ivoire de mammouth, matière première difficile à travailler et précieuse. Elle est sculptée en ronde-bosse, c’est-à-dire en trois dimensions, et soigneusement polie. De plus, elle possède de nombreux détails finement gravés, à la pointe du burin de silex taillé. Au-dessus d’un cou long et gracieux, la tête triangulaire, avec son front large et son menton pointu, est encadrée par une coiffure quadrillée, interprétée comme une chevelure tressée, une résille de coquillages ou encore une capuche. On retrouve ce quadrillage sur plusieurs têtes et statuettes de la même époque. Les traits du visage sont simplifiés et très stylisés. Les yeux sont absents, mais il semble tout de même y avoir un regard sous les arcades sourcilières. Sous le nez long, étroit et aplati, la bouche n’est pas figurée. L’expression du visage est énigmatique et véritablement unique dans l’art préhistorique. Les préhistoriens ont longtemps pensé que cette petite tête appartenait à une statuette entière. Ils ont alors espéré retrouver le corps de cette dame et l’ont même parfois imaginé. Mais la petite tête est pratiquement intacte : il ne lui manque qu’un éclat d’ivoire sur le côté droit du cou et en bas des cheveux.

LES "VÉNUS" GRAVETTIENNES

La « Dame de Brassempouy » appartient à un groupe de près d’une centaine de statuettes féminines, surnommées « Vénus ». Découvertes dans toute l’Europe, des Pyrénées à la Sibérie, elles sont, à l’exception de deux statuettes plus anciennes, attribuées au Gravettien, période qui s’étend de – 34 500 à – 25 000 ans. Ces statuettes font appel à des matières très variées : différentes pierres, allant du calcaire blanc à la calcite ambrée ou à la stéatite verte, de l'os, du bois de renne et de l'ivoire de mammouth. Quelques rares figurines moraves (République tchèque) ont même été modelées dans de l'argile avant d'être cuites ! Les statuettes féminines gravettiennes montrent une grande uniformité stylistique et probablement symbolique. Elles représentent des femmes nues, aux caractères sexuels et maternels accentués : poitrine, cuisses, ventre, fesses et pubis. Par contre, les bras, les jambes et la tête sont très réduits voire absents. Certaines statuettes représentent clairement des femmes enceintes ou parturientes, c’est-à-dire en train d’accoucher. Plus que des figurations de femmes, il semble que ce soient des évocations de la féminité et de la sexualité, de la fécondité et de la maternité. Elles possèdent peut-être des vertus protectrices...

BIBLIOGRAPHIE

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