Armes

Cuirasses anatomique de Marmesse

Ces cuirasses en tôle de bronze découvertes à Marmesse près de Châteauvillain en Haute-Marne, constituent un ensemble unique en Europe. C’est en 1974 que furent mises au jour les trois premières cuirasses, de façon fortuite, lors de travaux de terrassement conduits dans une sablière, au lieu-dit « le Petit Marais ». Elles étaient emboîtées les unes dans les autres, comme rangées là pour l’éternité. Des fragments furent récupérés par la suite et plusieurs sondages archéologiques, réalisés de 1980 à 1987, permirent de compléter l’ensemble. Aujourd’hui on estime que le dépôt était initialement composé de sept à neuf cuirasses, toutes presque identiques.
 

DES CUIRASSES SOLIDEMENT FAÇONNÉES

Elles sont composées de deux coques en tôle de bronze assemblées par des rivets et ont été travaillées par déformation plastique, en frappant le bronze avec un marteau afin de l’étirer et de l’amincir. Certaines portent des patchs de réparation, conséquences de leur utilisation ou, plus probablement en raison de la rupture du métal pendant leur fabrication. Pour éviter les fissures en cours de façonnage, la feuille de bronze était périodiquement chauffée et subissait un « recuit » permettant d’homogénéiser et de consolider la structure du métal. L’une des coques correspondait au plastron, l’autre à la dossière. Ces deux éléments étaient solidement rivetés sur le côté de l’épaule gauche. Les cuirasses s’enfilaient par le côté droit, sans doute avec l’aide d’un « assistant », en écartant les deux coques, grâce à la malléabilité du métal. On pouvait alors assujettir et fermer la cuirasse en fixant les crochets situés du côté de l'épaule droite.


UN DÉCOR CONSTITUÉ DE BOSSETTES

Toutes les cuirasses de Marmesse sont rehaussées d’un même décor stéréotypé constitué d’une ligne principale de grosses bossettes d’un centimètre de diamètre, encadrée de part et d’autre d’une ligne de bossettes beaucoup plus petites. Ces décors sont obtenus à l’aide d’une matrice, c’est-à-dire d’une pièce évidée reprenant en creux la forme du décor souhaité. La matrice hémisphérique est placée à l’extérieur de la cuirasse puis la tôle y est emboutie à l’aide d’un poinçon et d’un marteau. La tôle prend ainsi la forme de l’empreinte, permettant l’obtention d’un décor standardisé composé de bossettes régulières. Ces triples lignes de bossettes soulignent les contours de la cuirasse : l’encolure, les manches, les côtés et la ceinture. Elles magnifiaient ainsi l’anatomie du guerrier, particulièrement les zones sensibles, la poitrine et le sternum (à l’avant), la colonne vertébrale et la cage thoracique (à l’arrière), qui sont indiqués de manière stylisée, selon un procédé que l’on retrouve par la suite sur les cuirasses grecques dites « musclées », à une époque plus tardive.

Ce décor de bossettes réalisées au repoussé est caractéristique de la fin de l’âge du Bronze et se retrouve sur de très nombreux objets de prestige comme les casques, les cnémides, les ceintures et les éléments de vaisselles métalliques produits en Europe centrale et orientale, ainsi que dans une large zone Nord-Alpine entre le 12e et le 8e siècles avant notre ère. Notons que ce type de décor se retrouve par la suite à l’identique sur les casques villanoviens (étrusques) ou encore sur les vaisselles italiques.