Le "Petit cheval de Lourdes"
Cette statuette, façonnée dans de l’ivoire de mammouth, est un des chefs-d’œuvre de l’art préhistorique. C’est aussi une des plus belles figurations du cheval, l’animal le plus représenté dans le bestiaire paléolithique.
UNE DECOUVERTE DANS UNE ANFRACTUOSITE
La grotte des Espélugues à Lourdes (Hautes-Pyrénées) tient son nom du massif calcaire du mont des Espélugues. Elle s’ouvre au nord-ouest par trois grands porches, au-dessus de la rive gauche du gave de Pau, affluent de l’Adour. Elle est constituée de vastes salles, qui sont occupées du Paléolithique au Moyen Âge. Fréquentée par des excursionnistes pendant la première moitié du XIXe siècle, la caverne est fouillée entre 1860 et 1873 par de nombreux pionniers de la préhistoire, comme Édouard Lartet ou Félix Garrigou. Elle est ensuite vidangée, de 1873 à 1875, à la demande des ecclésiastiques, qui la transforment en chapelle. La grotte des Espélugues livre des vestiges attribuables au Magdalénien moyen et récent (entre – 18 000 et – 14 000 ans environ). C'est entre 1886 et 1889 que l’érudit carcassonnais Léon Nelli explore les lambeaux de couches archéologiques encore en place dans la grotte et, par la suite, les remblais du chemin. Il découvre alors, dans une anfractuosité basse d'une paroi de la caverne, le célèbre « Petit Cheval de Lourdes ». Il met également au jour d’autres œuvres d’art préhistoriques, gravées ou sculptées, ainsi que de nombreux objets de la vie quotidienne, armes et outils en matières lithiques (silex taillé) ou osseuses.
UNE STATUETTE EN IVOIRE DE MAMMOUTH
Le « Petit Cheval de Lourdes » est façonné dans de l'ivoire de mammouth. Cette matière première est abondante en Europe centrale et orientale, où se trouvent de grandes étendues de « steppe à mammouths ». Elle est plus rare et plus précieuse dans nos contrées : elle y semble donc réservée à l’art et à la parure. L’animal est représenté debout, le cou horizontal, dans une attitude de vigilance. La technique de la sculpture en ronde-bosse, c’est-à-dire en trois dimensions, est parfaitement maîtrisée. En témoignent le modelé du corps du cheval, très réussi, et la finesse de ses quatre pattes, bien séparées les unes des autres. La tête, petite et étroite, comprend de nombreux détails gravés, très naturalistes : la crinière, les oreilles, les yeux avec leur larmier, les naseaux, la bouche et même les lèvres. Des séries de traits et de points incisés, parfois minuscules, indiquent le pelage et soulignent de manière subtile la musculature. Sur le côté droit de la statuette, la figuration du pelage est particulièrement soignée. Des séries de traits courts forment une sorte de « M ». Au-dessus, les ponctuations alignées suggèrent la couleur, alors que le vide en-dessous correspond à la blancheur du ventre, typique des chevaux sauvages préhistoriques.
LE CHEVAL, ANIMAL LE PLUS FIGURE DANS L'ART PREHISTORIQUE
Après les motifs géométriques, souvent interprétés comme des signes, les figurations animales sont les plus nombreuses dans l’art paléolithique. Mais toutes les espèces ne sont pas représentées à part égale ; elles sont au contraire fortement hiérarchisées. Il s’agit très majoritairement de grands herbivores. Les deux catégories des chevaux et des bovinés (bisons et aurochs) constituent à elles seules la moitié des figurations animales, avec respectivement 30 et 20 % du bestiaire. Ensuite, les cerfs (ou les biches), les bouquetins, les mammouths, les aurochs et les rennes sont très courants : 40 % des animaux figurés. Les félins, les ours et les rhinocéros laineux ne sont pas très nombreux (6 %), tandis que les poissons, surtout des saumons, et les oiseaux sont plus rares (2 % au total). Enfin, certains grands herbivores sont exceptionnels (1 %) : l’ovibos ou bœuf musqué, l’élan, le cerf mégacéros, le chamois, l’antilope saïga… Parmi les espèces les moins représentées, l’on compte aussi les canidés (loup, renard), les mustélidés (glouton, belette), les lagomorphes (lièvres) ou encore les mammifères marins, surtout des phoques. Enfin, des catégories entières d’animaux sont presque inexistantes : les reptiles, les amphibiens et les insectes.
BIBLIOGRAPHIE
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CATTELAIN, Pierre. Au galop ! Les Chevaux du Paléolithique récent. In : CATTELAIN, Pierre, GILLARD Marie, SMOLDEREN Alison (dir.), Disparus ? Les mammifères au temps de Cro-Magnon en Europe. Musée du Malgré-Tout, Treignes. 6 mai - 11 novembre 2018. Treignes : Cedarc, 2018, p. 185-218.
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Ivoire de mammouth
Sculpture en ronde-bosse
Lourdes (Hautes-Pyrénées), grotte des Espélugues
Magdalénien moyen ou récent (entre – 18 000 et – 14 000 ans environ)
L. = 7,2 cm ; l = 3,5 cm ; É = 1,7 cm
ACQUISITION
Achat en 1911