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Media Name: PAL_N°_R_Mas d'Azil
© RMN-GP. Thierry Le Mage
Media Name: PAL_N°_V_Mas d'Azil
© RMN-GP.Thierry Le Mage
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Cette minuscule rondelle découpée, mise au jour dans la gigantesque grotte du Mas d’Azil, nous raconte une histoire plus complexe qu’elle n’y paraît. Elle nous donne aussi une image inattendue des populations préhistoriques.

UNE GROTTE ABSOLUMENT GIGANTESQUE

La grotte du Mas-d'Azil est située sur la commune du même nom, dans le département de l'Ariège, au centre des Pyrénées françaises. Avec un porche de 51 mètres de haut et 48 mètres de large, la cavité, absolument gigantesque, traverse de part en part, sur une longueur de 500 mètres, le massif calcaire du Planturel. Localisée sur la rive droite de l'Arize, la rivière qui la traverse et qui l’a creusée, la grotte est également parcourue par une route départementale. C’est d’ailleurs la construction de cette route qui entraîne, en 1857, la découverte de vestiges préhistoriques et, dès 1860, les premières fouilles archéologiques. Après Édouard Piette, entre 1887 et 1894, se succèdent l’abbé Henri Breuil, en 1901 et 1902, puis Marthe et Saint-Just Péquart, de 1935 à 1942. Occupée à différentes époques préhistoriques et historiques, la caverne donne son nom à l'Azilien, une culture du Paléolithique final (entre – 13 000 et – 11 500 ans environ). Elle livre aussi deux ensembles attribuables au Magdalénien moyen et récent (entre – 18 000 et – 14 000 ans environ), particulièrement riches en objets d’art. Cette rondelle découpée, datée du Magdalénien moyen (entre – 18 000 et – 16 000 ans environ), est découverte par Marthe et Saint-Just Péquart en 1937 ou 1938.

UNE RONDELLE DÉCOUPÉE AU DÉCOR COMPLEXE

Parfaitement circulaire, avec un diamètre de cinq centimètres, cette rondelle découpée en os possède une perforation bien centrée et des bords soigneusement polis. Elle est conservée entière – fait exceptionnel – et décorée de figures animales, alors que la plupart des rondelles sont ornées de motifs géométriques. Sur une face, on peut voir un avant-train de boviné adulte, judicieusement inscrit dans le cercle de la rondelle. Les détails sont efficaces et élégants : les cornes, en perspective, l’oreille, l’œil et le naseau, ainsi que le pelage, figuré par séries de petits traits parallèles, au niveau du garrot et du poitrail. L’autre face porte un jeune boviné complet, dont la disposition est également très réussie. L’on y retrouve les mêmes détails, oreille, œil, naseau, et la même façon de traiter le pelage, en mettant l’accent sur le garrot. Les proportions entre le jeune animal et le sujet adulte, deux fois plus grand, sont réalistes. Cette rondelle découpée était considérée par les préhistoriens comme figurant une vache et son veau. Mais les archéozoologues identifient une femelle aurochs et un jeune bison, qui n’appartiennent donc pas à la même espèce. La relation entre les deux bovinés gravés ne serait finalement pas celle de la maternité…

DES ÉLÉMENTS DE PARURE ET DES VÊTEMENTS ÉLABORÉS

Bien connues dans les Pyrénées au Magdalénien moyen (entre – 18 000 et – 16 000 ans environ), ces rondelles en os sont découpées dans des omoplates puis perforées et gravées. Sur une omoplate découverte dans la grotte de Saint-Michel à Arudy (Pyrénées-Atlantiques), on peut même voir les négatifs de trois rondelles. Les rondelles découpées sont considérées comme des éléments de parure, des pendeloques qui étaient portées autour du cou ou des appliques qui étaient cousues sur les vêtements de peau. On peut les rapprocher des contours découpés, également façonnés dans des os extrêmement fins, figurant surtout des têtes de chevaux. Pour avoir une idée complète de la parure magdalénienne, il faut ajouter à ces pendeloques ou appliques une grande variété de dents percées, de coquilles perforées, d’éléments sculptés et gravés, ainsi que de petits objets cassés, récupérés et réutilisés en bijoux (extrémités de lissoirs, pointes de sagaies, etc.). La disposition de ces éléments de parure dans les sépultures de l’époque, peu nombreuses cependant, nous laisse entrevoir à quoi pouvaient ressembler les vêtements en peau, malheureusement disparus. C’est alors que se dessinent des hommes, femmes et enfants préhistoriques soigneusement habillés, coiffés et chaussés.

BIBLIOGRAPHIE

CAMPS-FABRER, Henriette. Fiches typologiques de l’industrie osseuse préhistorique. Cahier IV : Objets de parure. Aix-en-Provence : Publications de l’Université de Provence, 1991, 452 p.

DELPORTE, Henri. Chefs-d'œuvre de l’art paléolithique. Musée des Antiquités nationales. Château de Saint-Germain-en-Laye. 24 juillet - 1er décembre 1969. Paris : Réunion des Musées nationaux, 1969, 96 p. (notice n°99, p. 66-67).

PÉQUART, Marthe. PÉQUART, Saint-Just. Nouvelles découvertes à la grotte du Mas d'Azil. Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, IX° série, 2, 1941, p. 128-130.

TABORIN, Yvette. Langage sans parole. La parure aux temps préhistoriques. ‎Paris : La Maison des Roches, 2004, 215 p.

THIAULT, Marie-Hélène. ROY, Jean-Bernard. L’art préhistorique des Pyrénées. Musée des Antiquités nationales. Château de Saint-Germain-en-Laye. 2 avril - 8 juillet 1996. Paris : Réunion des Musées nationaux, 1996, 371 p. (notice n°300, p. 258-259).

LIENS UTILES

La rondelle à la vache au veau (objet du mois d’avril 2017) https://musee-archeologienationale.fr/la-rondelle-la-vache-et-au-veau