La récente restauration de trois plaques peintes provenant d’Alexandrie a permis de leur rendre un éclat perdu depuis le début du XXe siècle.
LA COLLECTION PUGIOLI ET DANINOS PACHA
Ces plaques proviennent de fouilles qui ont précédé la mise en place d’un service de fouilles et de conservation officiels à Alexandrie par Giuseppe Botti. Elles ont été acquises par Pietro Pugioli, dont la collection a ensuite été vendue à divers musées d’Europe et d’Amérique. Les objets d’un même site étant éparpillés, beaucoup d’informations sur le contexte de découverte ont été perdues. C’est Daninos Pacha, un archéologue égyptien, qui a vendu ces quatre « stèles » au musée d’Archéologie nationale le 15 octobre 1887. De passage à Paris, il avait écrit au directeur du MAN, qu’il possédait des objets susceptibles de l’intéresser car ils «représent[aient] paraît-il des soldats gaulois, morts à Alexandrie, dans la légion ptolémaïque». L’année précédente, il avait déjà vendu des stèles de même provenance au musée du Louvre. Certaines représentaient aussi des « Gaulois », qualifiés de « Keltos » ou de « Galaths ». Daninos Pacha prétendait qu’elles provenaient d’une nécropole située au sud-est d’Alexandrie, à Hadra, l’antique Éleusis. Grâce aux inscriptions, il a été possible à Adolphe Reinach, alors jeune épigraphiste, de rapprocher les stèles du MAN de celles découvertes dans la tombe dite « des Mercenaires », mise au jour en 1885. En effet, deux des stèles conservées au MAN (31234 et 31235) ont été publiées avec cette provenance dans la Revue Archéologique en 1887. Les plaques 31232 et 31233 en proviennent certainement aussi.
DES STÈLES FUNÉRAIRES POUR MERCENAIRES, LÉGIONNAIRES ET LEURS PROCHES
Ces quatre stèles ou plaques de type fausse porte ont toutes une forme similaire. La partie haute comprend systématiquement un fronton triangulaire, peint sur la plupart des exemplaires du MAN. En dessous de celui-ci, un espace est réservé à des inscriptions, en rouge. La partie centrale de l’objet est occupée par une section carrée ou rectangulaire, qui comprend une fresque sur enduit de plâtre, avec un cadre sculpté dans la stèle, sans décor. Un exemplaire comprend un large espace laissé au-dessous de l’encadrement, peut-être destiné à recevoir une inscription. Cet objet peut être considéré comme une stèle à proprement parler, les autres s’apparentant plus à des fausses portes, destinées à fermer les alcôves funéraires des défunts représentés. Les inscriptions en rouge, parfois très effacées, sont présentes sur trois plaques. Elles indiquent la provenance ethnique de la personne représentée : « ΓΑΛΑΘΣ » (trad. « Galates »). Les représentations peintes dans les encadrements représentent vraisemblablement les défunts de la tombe ou leurs proches. On trouve ainsi des mercenaires, des légionnaires ou leurs épouses, etc.
LA TOMBE DES MERCENAIRES
Cette tombe contenait des centaines de niches fermées par une dalle en calcaire en forme de stèle à fronton. Dans les niches, des vases en terre cuite conservaient les cendres des défunts. D’après les inscriptions retrouvées, tous étaient des militaires d’origine étrangère, Grecs de Grèce continentale, Crétois, Thraces et Galates, qui vivaient à l’est d’Alexandrie dans la seconde moitié du IIIe siècle avant J.-C. Les Galates, Celtes originaires de la Gaule cisalpine, avaient pris la route des Balkans puis avaient migré en Asie mineure en 279 avant notre ère, à l’invitation du roi de Bithynie en manque de mercenaires. Bien qu’installés ensuite dans l’actuelle région d’Ankara, des milliers d’entre eux offrirent encore leurs services aux souverains hellénistiques. Mais c’est vraisemblablement sous Ptolémée IV Philopator que les Galates furent de manière constante engagés dans l’armée lagide en tant que mercenaires et installés en tant que colons militaires en Égypte.
BIBLIOGRAPHIE
Agnès Rouveret, Peintures grecques antiques, la collection hellénistique du musée du Louvre, Librairie Arthème Fayard, Paris : 2004, p. 29 – 92