Image collection header

Les collections

L'âge du Bronze
dépôt

Sépulture dite “princière” de La Motta

Cet ensemble constitue le mobilier funéraire ayant accompagné dans la mort un personnage particulièrement riche et puissant, un de ces « princes d’Armorique » qui régnait il y a 4000 ans sur un territoire situé dans la région de Lannion (Côtes d’Armor)

 

LA DÉCOUVERTE :  UN HOLLANDAIS SUR LA LANDE

En 1939, Albert Egges Van Giffen (1884-1973), professeur de préhistoire à l'Université de Groningue, arrive en Bretagne sur l’invitation de son mécène et ami le baron Van Heerdt, dans l’idée de fouiller un dolmen. Après maintes péripéties, il opte pour le tumulus encore inviolé du lieu-dit “La Motta”, près de Lannion. Quand commence la fouille, le tumulus est encore haut de 4,6 mètres, pour un diamètre de 26 à 29 mètres. Au moment de sa splendeur, il devait constituer un repère très visible dans le paysage de l’âge du Bronze. Sous le tertre de terre est découvert un cairn de pierres formé de blocs de schiste qui recouvre un coffre funéraire formé de dalles de pierres, creusé dans le sol et refermé par deux dalles dont une en granit. Ses dimensions intérieures (l,12 m x 1,96 m) sont bien suffisantes pour accueillir le corps d’un homme et ses quelques possessions. Du fait de l’acidité du sol, à l’ouverture du coffre, il ne subsiste plus de trace du ou des défunts, mais un exceptionnel mobilier : une longue dague en bronze de 49 cm de long, posée sur une dalle de pierre rectangulaire, six poignards et deux haches également en bronze, une grande pierre polie à aiguiser en schiste perforé, ainsi que sept armatures de flèches en silex. Il faut ajouter un “brassard d’archer” en or, découvert sous la dalle de plancher de la sépulture, sans doute délogé du coffre funéraire par inadvertance durant la fouille. L’épée ainsi que trois des poignards présentent, incluse dans leurs résidus d’oxydation, des traces de poils, de cuir et/ou de bois, montrant qu’ils étaient à l’origine protégés par des fourreaux. La disposition des objets laisse imaginer la position du défunt, peut-être en position recroquevillée, ce qui correspond à la hauteur sous plafond (1,08 m). Si les pointes de flèche ainsi que les poignards en métal sont fréquents dans les sépultures de l’élite depuis le Campaniforme (2600-2000 av. J.-C.), la longue dague constitue une nouveauté et sa mise en valeur dans la tombe lui confère un statut à part. Il faut attendre l’âge du Bronze moyen (1600-1350 av. J.-C.) pour que les épées deviennent plus courantes.

 

UN ARCHER À L'ÂGE DU BRONZE ANCIEN

Les objets les plus singuliers de cet ensemble funéraire, à la technique virtuose, sont les sept pointes de flèches en silex, si fines qu’elles ne peuvent avoir eu un usage fonctionnel. Leur présence dans la tombe paraît purement symbolique et évoque le statut de l’archer, si important au Néolithique. Bien que le silex reste utilisé tout au long de l’âge du Bronze, il ne connaîtra plus un tel investissement et brille ici de ses derniers feux. L’autre élément marquant de cet ensemble mobilier, le brassard, évoque également la figure de l’archer, qui porte à son poignet une protection afin d’éviter le retour trop cinglant de la corde de l’arc après le tir. Fréquent dans les sépultures riches de l’âge du Bronze ancien, le “brassard” ne protégeait pas seulement l'intérieur de l’avant-bras de l’archer, mais peut avoir été porté à l’extérieur, comme un élément décoratif ornant le vrai brassard, fabriqué dans une matière organique, le cuir ou le bois, aujourd’hui disparue. Ces objets généralement rectangulaires, pourvus de deux à quatre perforations, sont connus depuis le Campaniforme. Le “brassard” de La Motta a été fabriqué à partir de deux fines feuilles d’or pur qui ont été pliées et emboîtées autour d’un cœur en résine végétale mêlée à de la roche pulvérisée, dont la surface a été incisée de motifs en dent de loup. Ce style décoratif permet de le rapprocher des productions anglaises de la même période. De constitution fragile, le « brassard » de la Motta avait probablement un usage plus décoratif et honorifique que de protection.

 

LES "PETITS PRINCES D'ARMORIQUE"

Cette appellation ancienne reflète une réalité que l’on trouve plus juste de caractériser aujourd’hui sous le terme de « Big Men » par référence aux exemples ethnographiques observés dans le Pacifique. Elle évoque une forme de hiérarchisation de la société autour de quelques grands hommes, maîtres des initiations, grands guerriers, chamanes, etc. représentant des formes particulières de parenté, de contrôle des hommes et de circulation des richesses. Riche, monumentale et luxueuse, la sépulture de La Motta illustre bien les pratiques funéraires des potentats armoricains du Bronze ancien, qui tiennent jusque dans la mort un discours sur leur statut, tant social que symbolique. Si les flèches et le “brassard” projettent une image ambiguë de chasseur / guerrier, les six poignards et la “dague” évoquent un personnage qui impose son pouvoir par la violence - fut-elle symbolique - et dont les armes doivent rester affûtées pour l’éternité, comme le montre la pierre à aiguiser. Enfin, son monument funéraire à la structure complexe n’a pu être édifié sans un investissement collectif important. Le groupe des tumulus armoricains trouve son équivalent outre-Manche dans la culture dite de Wessex, en Angleterre. Intégrées dans le complexe d’échanges de la façade atlantique, ces régions sont étroitement connectées, leur richesse commune provenant d’importantes réserves de cuivre et d’étain dans leur sous-sol. Jalousement gardées, les ressources en métal polarisent fortement l’Europe à l’âge du Bronze ancien, avec des centres où le pouvoir et les richesses se concentrent aux mains d’une minorité. Ce système s’érode progressivement à la transition avec l’âge du Bronze moyen, autour de 1600 av. J.-C.

 

OBJETS ASSOCIES

Une tombe princière de l'âge du Bronze à Giberville (Calvados)

La dalle gravée de Saint Bélec (Finistère)

 

BIBLIOGRAPHIE

BUTLER Jay et WATERBOLK Harm Tjalling. La fouille de A.E. van Giffen à “La Motta” : un tumulus de l’Age du Bronze Ancien à Lannion (Bretagne). Avec des remarques complémentaires de J. Briard et des appendices de J.J. Taylor et J.N. Lanting. Palaeohistoria, 1974, p. 107‑167.

ESCATS Yoann, BLANCHET Stéphane et NICOLAS Théophane. Une enceinte et une nécropole protohistoriques à Lannion : Présentation liminaire. Bulletin de l’Association pour la Promotion des Recherches sur l’Âge du Bronze, n° 8, 2011, p. 77-79.

LEON Sophie. Nouvelles données sur les tumulus à pointes de flèche de l'Âge du bronze ancien des côtes d'Armor. Bulletin de la Société préhistorique française, tome 94, n°2, 1997, p. 265-273.

 

 

Autres collections

Media Name: panneau-des-chevaux-selection.jpg
7 périodes clés

Grands sites archéologiques

Histoire du musée
3 périodes clés

Les grandes figures