Un chapiteau composite

Premier Moyen Âge

Entre tradition antique et réinterprétation médiévale

Au premier regard, ce chapiteau associe dans son décor un vocabulaire architectural bien connu de l’Antiquité : feuilles d’acanthes (généralement associées à l’ordre corinthien), volutes d’angles (qui se réfèrent à l’ordre ionique) et rosettes centrales. Il se rattache ainsi à l’ordre dit « composite », qui associe les volutes d’angles et la double rangée de feuilles d’acanthes, issues des deux ordres classiques évoqués précédemment. Cependant, en observant ce chapiteau de plus près, il apparaît plusieurs détails s’éloignent du modèle antique : les volutes, en particulier, se prolongent en de véritables anses, et viennent s’appuyer sur les feuilles d’acanthes recourbées de la corbeille (partie centrale de l’objet). Nous connaissons d’autres exemples de chapiteaux présentant ce type de décor, principalement dans le sud-ouest de la France, datés autour du IVe -Ve siècle, mais ces œuvres sont généralement sculptées dans du marbre, et non de la pierre calcaire, comme le chapiteau du MAN. Celui-ci ne possède donc pas de parallèle direct et paraît d’ailleurs être le fruit d’une évolution plus tardive : les côtés des volutes sont décorés de rosettes à motifs d’oves, les feuilles d’acanthes sont représentées de façon très stylisée, et on peut observer, en alternance avec ces rangées de feuilles d’acanthes, la présence de décors en méplat (très faible relief), géométriques (triangles, chevrons...) ou, en partie supérieure, de palmettes.
Pour finir, la présence de deux anses en forme de poissons, un exemple rare de décor zoomorphe pour la période du Premier Moyen Âge, qui signale cet élément architectural comme un objet exceptionnel.

 

Une provenance inconnue : les apports de la science

Afin de renseigner au mieux cette œuvre rare et de provenance inconnue, des analyses du matériau ont été effectuées. Observé sous une loupe binoculaire et comparé avec des collections de référence pour la sculpture en Midi-Pyrénées, l’objet a montré d’importantes ressemblances avec des pierres utilisées à l’abbaye de Moissac (Tarn-et-Garonne, XII e siècle). Malheureusement, la provenance exacte du matériau utilisé à Moissac n’est pas connue, mais il est généralement admis qu’il s’agit de pierre de Saintonge. D’ailleurs, le matériau extrait d’une carrière en particulier, celle de Thénac (Charente-Maritime), de qualité remarquable, aurait été largement diffusé à l’Antiquité et souvent réutilisé au Premier Moyen Âge. Il serait donc plausible que cette pierre, extraite en Saintonge, ait voyagé par voie fluviale jusqu’à Toulouse ou Pau, ce qui expliquerait la présence de notre chapiteau dans les Landes. Malgré l’absence de contexte archéologique, les techniques d’analyse scientifique actuelles peuvent donc livrer de nombreux indices sur son historique potentiel.

 

Poissons et espaces sacrés à l’époque mérovingienne

Les vestiges bien conservés issus de la sphère sacrée sont rares dans les collections archéologiques du Premier Moyen Âge, à fortiori les éléments d’architecture tels que ce chapiteau. Le motif du poisson, « Ichthus » (acronyme en grec du nom de Jésus), appartient aux symboles traditionnels de l’iconographie chrétienne. Utilisé dès l’Antiquité comme signe de reconnaissance, il est significatif et fréquent sur les monuments de cette période comme sur ceux du Premier Moyen Âge. Cette image est d’ailleurs bien présente dans les manuscrits enluminés à la même époque. Le musée d’Archéologie nationale possède, dans la même salle, une table d’autel, provenant de Saint-Marcel-de-Crussol (marbre, Ve -VIe siècle), qui porte elle aussi des décors en méplat, et en particulier des frises de brebis et colombes associées, comme le poisson, à une symbolique chrétienne. Cette nouvelle acquisition vient donc, aux côtés de la table d’autel, évoquer les espaces sacrés et la liturgie de l’époque franque, un thème encore peu représenté dans les collections du MAN, de même que la sculpture du Premier Moyen Âge, qui était pour l’instant évoquée principalement grâce à des vestiges issus de l’univers funéraire.

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