Le char cérémoniel de Roissy

Dôme aux dragons

Entre 1996 et 2000, les travaux d’extension de l’aéroport de Roissy (Val-d’Oise) ont mis au jour un cimetière des IIIe-Ier s. av. J.-C. attaché à un petit hameau gaulois. Le cimetière ne contenait qu’une dizaine de tombes, qui appartiennent manifestement à celles du groupe social dominant de cet habitat. Deux tombes à char, de personnages de haut rang, avaient été établies dans des fosses de grandes dimensions, qui abritaient une chambre funéraire en bois. Les chars avaient été déposés entiers, avec le joug en bois des deux chevaux qui tractaient le véhicule et les éléments de harnachement (mors). Les défunts, habillés et munis de leurs bijoux (fibules, bracelets), étaient allongés sur la caisse des chars.

Le char le plus richement décoré appartient à un des deux personnages qui a été enterré sans armes. Les roues étaient fixées sur l’essieu au moyen de clavettes à tête coulée en bronze, qui portent des motifs de masques d’animaux fantastiques : selon l’angle sous lequel on les observe, de nouvelles têtes de monstres aux yeux globuleux se recomposent à partir des éléments des masques précédents. Le joug, en bois, ne s’est pas conservé. Il n’en subsiste que deux séries symétriques de sept boutons à motifs floraux, et des appliques dont certaines portent des masques humains .

Le style particulier des bronzes de Roissy se reconnaît aussi sur les éléments du char de Paris, où certaines des compositions de motifs de masques humains présentent un caractère préfigurant les décompositions de formes du Cubisme. Ce style de «l’école de Paris» montre qu’un centre d’innovation artistique particulier au Bassin parisien a produit ces chefs-d’œuvre du style plastique du IIIe s. av. J.-C.

Un druide à Roissy ? 

Une petite partie des hommes sont enterrés en armes, accompagnés de leur épée et de leurs lances, le corps parfois recouvert de leur bouclier. L’élite de ces guerriers est constituée de cavaliers et de possesseurs de chars de guerre, sur lesquels ils se font enterrer. Leurs tombes, à l’origine recouvertes d’un monticule de terre (ou tumulus), sont délimitées par des enclos qui peuvent prendre des dimensions monumentales.   

La sépulture qui contient le somptueux char rehaussé de bronzes d’art celtiques et l’extraordinaire «dôme» aux dragons appartient à un individu exceptionnellement enterré sans armement. Le mobilier qui a été placé auprès de lui est particulièrement atypique. Le mort est accompagné d’un rasoir et de forces (sorte de ciseaux) en fer, avec un nécessaire de petits outils, dont une lime. Un groupe de petits objets – que l’on interprète comme des amulettes – a été déposé près de sa tête : un petit galet couvert de rayures naturelles, un jet de coulée d’objet en bronze, une petite applique en bronze.

La caste des druides est attestée par les sources historiques grecques dès le IVe s. av. J.-C., mais on éprouve les plus grandes difficultés à les identifier par l’archéologie. Sans doute est-ce parce que leur équipement personnel se distinguait mal de celui de la classe des aristocrates, dont ils étaient issus? Au Ier s. av. J.-C., le druide éduen Diviciacos, qui discutera de philosophie avec Cicéron, sera connu en effet à Rome essentiellement comme un homme de guerre et un diplomate.

 

 

Le dôme aux dragons

L’objet le plus extraordinaire est constitué par une garniture circulaire de 20 cm de diamètre, dont on ne connaît pas la fonction : couvercle d’un récipient en bois? Garniture de char ? En effet, auprès du char, a été recueilli un élément en forme de couvercle à motifs de têtes de monstres animaux. La pièce, coulée à la cire perdue, est organisée en trois registres superposés, le dernier en forme de bouton central.

Sur le registre inférieur, une bande circulaire est composée d’une série alternée de 10 monstres enchaînés les uns autres : cinq monstres à gueules largement ouvertes y alternent avec cinq monstres plus petits à mufle terminé par un globule.

Le registre intermédiaire est constitué d’une ronde de trois dragons, reliés par le mufle et par la queue, et dont la gueule, entrouverte, montre les dents.

Au registre supérieur, trois gros globules semblent composés d’éléments anatomiques isolés appartenant aux monstres des registres sous-jacents : sur un élément de crinière, on reconnaît un globule, puis un œil, puis une oreille.

Par sa construction géométrique très élaborée, le dôme de Roissy témoigne de la mise en œuvre de savoirs mathématiques reposant sur la division du cercle. La réalisation des motifs de monstres, qui sont physiquement incomplets, montre également que les créateurs gaulois représentent ces êtres fabuleux en suggérant leur présence par des détails anatomiques sans doute caractéristiques.

Oeuvre d'art et de science, le Dôme aux Dragons de Roissy témoigne de l'existence d'un univers symbolique celtique dont le contenu nous échappe. Il a manifestement été produit dans un atelier de bronzier très spécialisé. Vraisemblablement localisé dans le bassin parisien, où a été identifié un style celtique particulier, dit de l'Ecole de Paris. 

La société gauloise

Le peuple gaulois est composé d’une grande majorité de paysans, agriculteurs et éleveurs. Le paysage est parsemé d’établissements agricoles, qui forment chacun des communautés rurales. Les fermes sont placées sous l’autorité d’aristocrates guerriers. L’autorité suprême est exercée par des rois (rix), qui gouvernent probablement chaque «pays» (ou pagus). Certains de ces souverains devaient régner par ailleurs sur des peuples, ou des confédérations de peuples, comme Ambigat, roi de la Celtique. Une catégorie à part de la société gauloise est constituée par les esclaves, qui étaient fournis principalement par les prisonniers de guerre.

Les druides forment une catégorie à part. Contrairement au peuple et à la noblesse, ils sont exemptés de servir à la guerre. Ils organisent les cultes publics, mais sont avant tout des philosophes et des savants, versés dans l’étude des astres et des formes de l’univers. Leur formation intellectuelle durait plus de vingt ans. À ce titre, ils étaient des conseillers très écoutés, qui avaient notamment fonction de dire le droit et de conduire les jugements.

À partir du IIIe s. av. J.-C., la société gauloise connaît des transformations profondes. Une nouvelle aristocratie, dominée par des chefs de guerre, paraît se développer. Parmi elle se recrutent les représentants d’un Sénat gaulois. Le peuple est doté de droits civiques : la plèbe gauloise vote et participe à la guerre, sans doute au titre de fantassins ou de compagnons d’armes des chevaliers. Dans le courant des IIe-Ier s. av. J.-C., une nouvelle catégorie de marchands et d’artisans se développe avec l’essor des capitales fortifiées (ou oppida).

L'art celtique

Un art original, d’inspiration symbolique, prend son essor au Ve s. av. J.-C. en Europe celtique, à partir des centres d’innovation de Champagne et de Rhénanie. Développé sur des objets de prestige, comme en particulier des armes et des parures, l’art celtique décompose et recompose des formes à base de motifs d’esses et de triscèles. Cet art savant utilise la symétrie mathématiques enseignée à l’école pythagoricienne en Grèce. Dans le courant du IVe s. av. J.-C., les masques humains fantastiques et les couples affrontés de griffons ou de dragons commencent à apparaître. Le IIIe s. av. J.-C. constitue l’apogée de cet art, dont les représentations prennent parfois un tour cubiste. Une nouvelle phase, marquée par l’art des monnaies, coïncide avec les IIe-Ie s. av. J.-C. Un extraordinaire répertoire d’animaux et de symboles, dont les formes stylisées sont sujettes à de multiples adaptations se développe alors, tandis que la sculpture se généralise. La conquête romaine interrompt l’évolution de cet art particulièrement créatif, que l’on doit considérer comme « l’art premier » l’Europe

Art et Symbolique celtiques

De la mythologie des Celtes, de leurs conceptions spirituelles, il ne reste aujourd’hui à peu près rien : les vestiges mis au jour par l’archéologie sont tout ce qui en subsiste et ils conservent les traces de leurs mythes et de leurs symboles, dans lesquels le monde animal occupe une place importante. Trois époques successives, qui correspondent à des styles particuliers, se distinguent dans l'évolution de l'Art celtique :

  • Le Style ancien est associé aux tombes aristocratiques du Ve s. et du début du IVe s. av. J.-C. Ce style végétal se caractérise par des motifs qui adaptent et transforment des thèmes décoratifs de l’art grec classique, comme les motifs de palmettes ou de fleur de lotus.

  • Le Style végétal continu (IVe s. av. J.-C.) correspond à la période de plein développement de l’art celtique ancien. Les motifs végétaux, qui étaient composés auparavant d’une juxtaposition d’éléments reproduits par symétrie, sont désormais enchaînés les uns aux autres, de manière ininterrompue.

  • La troisième époque (IIIe s. av. J.-C.) ou Style plastique correspond à une période baroque de l'Art celtique. Les motifs, qui étaient jusqu’alors représentés sur des supports plats, sont désormais développés en relief, et évoquent des représentations de monstres anthropomorphes ou zoomorphes visibles en trois dimensions.

Aux IIe et Ier s. av. J.-C., les monnaies, en particulier, révèlent l’existence d’une mythologie gauloise, dans laquelle dominent les figures du sanglier et du cheval. Le cheval, représenté au galop, peut porter une tête humaine. Le développement de cet art celtique récent est brutalement interrompu par la conquête romaine.

 

Les pièces du char en 3D :

 

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